jeudi 10 décembre 2015

WALLONIE-BRUXELLES - LE SCENARIO DE LA DIVISION

Par Olivier Mouton (Le Vif du 30 octobre 2015)

C’est le triomphe annoncé du régionalisme. Les uns après les autres, des parlementaires libéraux et socialistes wallons ont ouvert le débat ces dernières semaines : il est indispensable de transférer les compétences communautaires restantes aux Régions. Deux poids lourds, l’enseignement et la culture, sont dans le collimateur. C’est, disent-ils, l’expression d’un pragmatisme nouveau qui résonne comme une évidence, non plus d’un romantisme désuet aux couleurs du coq wallon ou de l’iris bruxellois.

« Dans l’air du temps »

Les discours, au MR et au PS, sont ancrés dans une réalité nouvelle. « Je ne suis pas un régionaliste historique pur jus, reconnaît Pierre-Yves Jeholet, chef de groupe MR au parlement wallon, qui a tiré le premier via une carte blanche rédigée avec son collègue Jean-Luc Crucke. Mais il y a eu une évolution dans la pensée. La sixième réforme de l’Etat a responsabilisé les entités fédérées, Régions en tête. C’est dans l’air du temps. Ce qui guide ma réflexion, c’est la volonté d’être performant. Notre monde institutionnel actuel est illisible et peu efficace. On perd beaucoup trop d’énergie et de moyens financiers alors que la situation budgétaire est très difficile. »

« Notre démarche part de la réalité des gens, prolongent les députés socialistes Christophe Collignon, Pierre-Yves Dermagne et Nicolas Martin, auteurs d’une tribune libre présentant la Wallonie comme une évidence. C’est la population wallonne qui a demandé la régionalisation dans une volonté de redéploiement économique et de création d’emplois. Pour y arriver, il faut un projet wallon fort qui repose sur le plan Marshall, mais en lien avec l’enseignement pour former les jeunes aux emplois de demain et avec une politique culturelle qui crée une identité forte, mais ouverte. »

Dans le camp des experts, on applaudit des deux mains. « Il est bon de constater que ce débat semble enfin avoir un degré de maturité suffisant pour être ouvert », se réjouit Christian Behrendt, professeur de droit constitutionnel à l’université de Liège. En chœur avec les députés, il insiste : cette révolution copernicienne est tout à fait possible dans le cadre intrafrancophone, via l’article 138 de la Constitution. Autrement dit, cette velléité n’ouvre pas la boîte de Pandore institutionnelle, contrairement à ce que prétend Joëlle Milquet (CDH), ministre francophone de l’Enseignement.

« Cela m’agace profondément que madame Milquet dénonce cela comme un cadeau fait aux Flamands, râle Christophe Collignon (PS), pourtant en majorité avec le CDH du côté francophone. Il faut cesser d’agiter sans cesse le chiffon de la N-VA. Elle n’a visiblement pas lu le détail de ce que l’on propose ! » « Non, madame Milquet, ce n’est pas de la tuyauterie institutionnelle, clame Pierre-Yves Jeholet. Si c’était le cas, je ne m’en préoccuperais pas. » Cette régionalisation s’inscrit dans la perspective d’un fédéralisme belge « apaisé », recomposé autour de quatre Régions. Mais elle ne nécessite de majorités spéciales que dans les entités francophones : parlements wallon, francophone et francophone bruxellois (Cocof). Bref, ce ne serait en aucun cas l’annonce d’une septième réforme de l’Etat, mais une simple évolution. Qui, du côté francophone, aurait pu avoir lieu depuis bien longtemps.

« Des Régions sœurs, pas jumelles »

Si ce débat sur la régionalisation de deux compétences clés se précipite, c’est en raison du constat d’échec posé au niveau wallon : la Région ne décolle pas sur le plan socio-économique. C’est aussi une conséquence « naturelle » de la sixième réforme de l’Etat, qui consacre le fait régional et consolide le statut de Bruxelles grâce au refinancement. C’est, enfin, le fruit d’un constat de plus en plus évident : les chemins des deux Régions se séparent lentement, mais sûrement.

« Dans les bureaux de parti, toutes formations politiques confondues, il faut être aveugle pour ne pas voir que les sensibilités sont très différentes entre Wallons et Bruxellois, dit Jeholet. Cela a toujours été le cas, mais le fossé se creuse. » « Avant, un tel débat n’aurait pas été possible parce qu’il n’y avait pas cette maturation de l’Etat fédéral, insiste Nicolas Martin, qui fut bourgmestre faisant fonction à Mons quand Elio Di Rupo était Premier ministre. Les sondages montrent que l’identité bruxelloise est en progression. Rudi Vervoort et Laurette Onkelinx se sont déjà largement exprimés en faveur de l’option régionale. Il y a une convergence de vues entre nous. » « Bruxelles et Wallonie sont sœurs, mais pas jumelles », résume Christophe Collignon.

Les deux ministres-présidents PS wallons et bruxellois soutiennent le mouvement sans trop se mouiller pour l’instant. « Toutes les grandes familles politiques doivent réfléchir ensemble à la manière de simplifier nos structures », affirme le Wallon Paul Magnette. « Chaque Région a ses spécificités et apporte des réponses différentes aux enjeux qui sont les siens, comme on vient de le faire avec notre réforme fiscale, déclare le Bruxellois Rudi Vervoort au Vif/L’Express. Une telle régionalisation correspond à des attentes dans les mondes éducatif et culturel. Je ne prendrai pour exemple que le décret inscription : il y avait un besoin à Bruxelles, mais pas du tout en Wallonie. En matière culturelle, on sent très bien qu’il y a désormais, à Bruxelles, une volonté de travailler sur des projets qui dépassent les barrières communautaires. Nous, ministres-présidents, devons accompagner ce mouvement. »

Au-delà d’une lisibilité accrue pour le citoyen, les partisans du « tout aux Régions » version 2015 égrènent les nombreux avantages qui découleraient des transferts. « Je crois en une osmose entre éducation (compétence communautaire) et formation (compétence régionale), souligne Pierre-Yves Jeholet. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas : il n’y a aucune synergie entre les Régions et la Fédération Wallonie-Bruxelles, on vit en vase clos. Or, nous avons aujourd’hui beaucoup trop de jeunes qui n’ont pas la formation adéquate pour rentrer sur le marché du travail. C’est inacceptable : il y a 16 % de chômage, mais une cinquantaine de métiers en pénurie. » « Il ne faut pas être grand clerc pour savoir qu’il faut organiser l’enseignement en phase avec les priorités du plan Marshall, notamment dans les nouvelles technologies », notent les socialistes Collignon, Dermagne et Martin.

Le constitutionnaliste Christian Behrendt opine du bonnet : « La coexistence de deux institutions au poids relativement comparable – un budget de 13 milliards pour la Région, de 9 milliards pour la Communauté – nous a conduit dans une situation de sous-performance institutionnelle. Il est bon qu’émerge la prépondérance d’une idée par rapport à une autre. » Mais il prévient dans la foulée : « Par contre, j’aurais des réserves s’il s’agissait de supprimer purement et simplement la Communauté française. »

« Une solidarité renforcée »

Ce grand écart Wallonie-Bruxelles condamne-t-il cette institution précisément rebaptisée Fédération Wallonie-Bruxelles en 2011, dans le contexte du bras de fer avec la Flandre ? Sans recettes propres, la Communauté française gère vaille que vaille cet enseignement qui mange la toute grosse majorité de son budget, mais représente un lien de solidarité vital entre francophones. « La vocation de la Communauté française n’est pas de gérer des masses budgétaires importantes, argumente Christian Behrendt. Ce n’est pas une institution de gestion politique quotidienne, mais bien une coupole qui permet un positionnement stratégique des francophones dans les discussions avec nos amis flamands. Elle reste indispensable, par exemple, lorsqu’il s’agit d’ouvrir une procédure en conflit d’intérêts. »

Non, Wallonie et Bruxelles ne divorceront pas pour autant, rassurent les politiques. « Je suis pour une solidarité renforcée avec les Bruxellois, insiste le libéral Jeholet. On réduit souvent mon discours à la fin de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais il s’inscrit dans un Etat fédéral fort, avec quatre Régions fortes. Concrètement, je veux la suppression, à terme, du gouvernement et du parlement. En lieu et place, on pourrait avoir une sorte de Comité de concertation avec Bruxelles et des accords de coopération forts. » « Dans notre proposition, la Communauté française subsisterait, avec un gouvernement et un parlement, pour pouvoir dénoncer le cas échéant un conflit d’intérêts, nuance le PS Nicolas Martin. Mais le gouvernement et le parlement pourraient être réduits. »

Tous veulent un débat « sans tabous ». Le MR se dit notamment favorable à une refonte en profondeur de la RTBF en lien avec les télévisions locales et soutient une remise à plat générale des institutions wallonnes, en ce compris les provinces et les intercommunales. Le PS préfère laisser les idées couler lors du Chantier des idées initié par un Elio Di Rupo dont on se demande s’il soutient pleinement cette perspective.

PS – MR : « J’espère la sincérité... »

Tant chez les libéraux que chez les socialistes, la réflexion sur le régionalisme vivra au fil – potentiellement houleux – des débats internes aux partis, en 2016. On pourrait toutefois voir dans cette simultanéité des sorties régionalistes les germes d’une majorité alternative alliant les deux principaux partis francophones pour œuvrer au redressement de la Wallonie, une alliance que plusieurs penseurs wallons appelaient déjà de leurs vœux en 2014. Les signataires refusent pourtant de fixer 2019 comme horizon de leur virage régionaliste. Et pour cause...

La diffusion de cartes blanches distinctes du MR d’abord, puis du PS, pourraient en effet avoir miné le chemin. « Pour connaître et fréquenter Pierre-Yves Jeholet et Jean-Luc Crucke, je n’ai pas trop de doutes sur la force de leur conviction, signale Pierre-Yves Dermagne (PS). Mais il ne faut pas que ce soit un alibi de la part de leur parti à un moment où le gouvernement fédéral qu’il dirige, et au sein duquel le MR est le seul francophone, fait passer au second plan pas mal d’enjeux pour les Wallons et les francophones. » « J’espère qu’au PS, ce n’est pas l’effet d’une guerre interne, d’une opposition larvée entre le ministre-président wallon qui envoie ses soldats contre le président du parti, ironise le MR Pierre-Yves Jeholet. J’espère vraiment qu’au PS, il y a de la sincérité. »


Le plus étonnant dans tout cela ? Le ministre régional Jean-Claude Marcourt, régionaliste en chef du PS, s’en tient à une réserve discrète. « Oui à la régionalisation de la culture et de l’enseignement, mais plus tard, ce n’est pas mûr », s’est-il contenté de dire lors d’une réunion de la fédération liégeoise du PS, relayée par La Libre. Visiblement, du côté francophone, même l’accomplissement de ce qui semble a priori évident requiert bien de la patience...


jeudi 29 octobre 2015

WALLONIE : "IL FAUT TOUT CHANGER POUR QUE RIEN NE CHANGE" (J.PIRON )

Ces dernières semaines ont vu émerger toute une série d'interventions de la part d'élus wallons sur une régionalisation plus accrue, sur une valorisation plus grande de la Wallonie voire une liquidation pure et simple de la Fédération Wallonie-Bruxelles.


La Cité de la Peur est probablement un film trop vieux pour les 18-25 ans. Pour les 25-35, c'est un film culte. L'une de ses scènes est restée emblématique: l'arrivée répétée de la sous-préfète au Festival de Cannes. Montant et remontant les marches sous les flashs des photographes, peu désireuse finalement d'aller au bout de sa logique et d'assister à la projection, le passage de la sous-préfète est celui de l'attrait pour les feux de la rampe. L'important est surtout qu'on parle d'elle. "Alors que revoilà la sous-préfète !"

Le discours sur la Wallonie est un peu notre sous-préfète. Ces dernières semaines ont vu émerger toute une série d'interventions de la part d'élus wallons sur une régionalisation plus accrue, sur une valorisation plus grande de la Wallonie voire une liquidation pure et simple de la Fédération Wallonie-Bruxelles. À la manière d'un marronnier, ce propos revient régulièrement sur le devant de la scène. La comparaison avec le film cité plus haut tient dans cette volonté d'apparaître et de réapparaître sur la scène publique, sans avoir l'intention d'aller jusqu'au bout de la logique. Car ce débat sur la régionalisation de l'enseignement, aussi pertinent qu'il puisse être, pêche par un manque récurrent de vision sur la Wallonie et son avenir.

Ce n'est pas tant l'idée de régionalisation qui nous dérange, au contraire. Le manque de visibilité de nos institutions, de leur cohérence et de leur adaptation à des besoins différents est criant. Il suffit de poser la question autour de nous sur "qui gère quoi ?" pour se rendre vite compte de cette évidence : peu de personnes comprennent quels sont les rôles précis des provinces, de la région, de la fédération. Dans un climat de défiance grandissant par rapport aux élus, un peu plus de clarté et de rapprochement vers les citoyens ne feraient pas de mal. Cet effort, en ce sens, est à souligner.

Cependant, une fois encore, cette initiative se lance de manière totalement désincarnée. Sans audace. Et sans aucune vision par rapport aux enjeux futurs.

Désincarné car une région dessinée économiquement ou affirmée politiquement par quelques-unes de ses élites n'est pas nécessairement un "espace vécu". Une région se vit et se construit d'abord par rapport aux besoins de ses populations, de leurs envies, de leurs ressentis. Ce n'est pas un rapport vertical, imposé du haut vers le bas. C'est avant tout des liens entre chacun, une appropriation par ceux qui y vivent. Bref, l'exact contraire de ce qui se fait aujourd'hui. Le fait wallon est largement désincarné. Ou construit sur une opposition, à savoir que les Wallons se définissent comme le contraire de la Flandre. Or, on ne construit pas un projet mobilisateur sur un rejet ou une caricature.

Dans ce cadre, voir la régionalisation de l'enseignement comme un outil du redéploiement économique wallon serait une erreur. L'enseignement, comme la culture, doit permettre de construire un projet commun et émancipateur, et non être au service de l'économie. Ce n'est pas d'une Wallonie technique et bureaucratique dont les Wallons ont besoin, ni d'une confrontation stérile aux régions voisines, voire même entre les bassins wallons, mais bien d'un projet commun on l'on retrouve le goût pour l'utopie et l'engagement collectif. C'est aussi dans cet esprit que la revendication d'une Belgique à 4 régions prend sens, où la Communauté germanophone se voit reconnaître comme un acteur plein et entier.

Sans aucune audace, ensuite, car, à entendre les différents acteurs qui se sont exprimés ces dernières semaines, "il faut tout changer pour que rien ne change". Le mal wallon est aussi celui d'un système politique et d'un espace public dépassé, poussiéreux, conservateur. Malgré des déclarations ampoulées sur la relance de la démocratie, et malgré la mise en place d'une commission de "renouveau démocratique", et en dehors de la future mise en oeuvre, bienvenue, des consultations populaires régionales, les vieilles pratiques ne changent pas. Bazardées les idées de décumule, de réforme des nominations et mandats dans l'administration, de suppression des provinces, de contrôle accru des intercommunales, de tirage au sort... . Mise sous cloche la lutte contre les baronnies politiques, les lasagnes d'institutions pléthoriques et les besoins de rationalisation des outils. Or, les institutions doivent être au service des sociétés et évoluer avec elle. Et la société wallonne actuelle bouge vers une plus grande autonomie et une transformation de la participation. L'essor en cours des coopératives, des projets citoyens, des mouvements en transition témoigne de cette soif d'engagement. Refuser la mise à jour des outils et instruments de décision tout en appelant à une réforme des macros structures équivaut dès lors à une hypocrisie, ni plus ni moins.

Sans aucune vision par rapport aux enjeux futurs, enfin. La Wallonie va faire face, dans les 25 années à venir, à une explosion démographique : + 200.000 habitants en 2020, 500.000 en 2040. Les défis énergétiques et climatiques vont imposer aux Wallons des choix drastiques si rien n'est fait pour les anticiper. L'économie elle-même est en train de changer. L'économie circulaire, collaborative, de fonctionnalité, l'écologie industrielle, les circuits courts... bouleversent la façon dont s'appréhendent les liens économiques à l'échelle d'une région. Or, rien ne démontre qu'une telle compréhension des changements à venir s'intègre dans les récents positionnements régionalistes. Les politiques énergétiques renouvelables sont drastiquement revues à la baisse, les projets de mobilité nous ramènent au "tout à la voiture" des années 60 et le soutien aux innovations économiques et aux alternatives vertes, pourtant définies comme largement créatrices d'emplois, est totalement insuffisant.

Il ne s'agit pas de tuer tout esprit wallon et de s'opposer à une régionalisation de l'enseignement et de la culture, au contraire. La Wallonie doit se réinventer. Il s'agit notamment d'une question de responsabilité face à la réforme de l'État à mettre en oeuvre et face à notre architecture institutionnelle, trop complexe. Mais tout ceci ne peut se faire sans penser aux Wallons de demain. Plutôt que la transformation des institutions, c'est à la transformation citoyenne qu'il faut s'intéresser, au "pourquoi" plutôt qu'au "comment ". Dans une société où le citoyen est replacé au centre du jeu, avec des moyens propres d'émancipation et d'épanouissement personnel, dans un système politique simplifié, plus participatif et plus transparent. Et rassurant car anticipant les chocs économiques, climatiques et énergétiques futurs. Bref, une Wallonie plus ouverte, et non plus une Wallonie de sous-préfecture. C'est déjà ce que proposait Le Manifeste pour la culture wallonne de 1983 : "En tant que communauté simplement humaine, la Wallonie veut émerger dans une approche de soi qui sera aussi ouverture au monde". Allons donc maintenant vers l'avant, et faisons monter la sous-préfète tout en haut des marches.


Jonathan PIRON – ETOPIA – Conseiller à la prospective

Dans le VIF

mercredi 21 octobre 2015

LA WALLONIE EST UNE EVIDENCE ! (RTBF/Opinion)



Comme chacun le sait, l'emploi et la situation économique et sociale constituent depuis longtemps les principales préoccupations des Wallons.

Si, dans notre Région, cette sensibilité est particulièrement forte, c’est qu’elle est le fruit d'une histoire qui a laissé des traces dans notre inconscient collectif.

En effet, le traumatisme qu'a constitué le déclin industriel, consécutif à une période de prospérité économique, a non seulement marqué les Wallons dans leur bien-être et leur cadre de vie, mais il les a aussi durablement complexés et affaiblis dans la perception qu'ils ont d'eux-mêmes.

Cette situation n’est pas le fruit du hasard mais résulte d'une configuration institutionnelle et politique qui a toujours minorisé la Wallonie, l'Etat belge exploitant ses avantages sans toujours lui donner le retour de sa contribution à la prospérité nationale.

Pour les centaines de milliers de travailleurs qui attendaient de l’Etat belge qu'il anticipe la reconversion industrielle de la Wallonie en réalisant des investissements publics indispensables ou en attirant les investissements étrangers, le sentiment d’abandon fut total.

Dominé par un CVP tout puissant durant plus de trente ans, l'Etat belge a ainsi largement contribué au miracle économique flamand qui n'en était pas vraiment un. Ainsi, 80 à 85% des crédits publics nationaux destinés aux investissements autoroutiers, portuaires, aéroportuaires ou encore aux nouveaux zonings économiques ont été captés par la Flandre.

De la même manière, si l'on considère les investissements privés soutenus par l'Etat entre 1958 et 1960, seuls 8,6% des 3,25 milliards de francs investis par les entreprises américaines – pour ne citer que cet exemple - l'ont été en Wallonie, à une époque où le dirigisme étatique signifiait encore quelque chose.

Ce faisant, l’Etat belge a affaibli de manière spectaculaire l'économie wallonne et surtout, ses travailleurs dont la force de travail était pourtant unanimement reconnue.

Face à cette situation durement ressentie par la population wallonne, le mouvement syndical qui s'est soulevé durant l'hiver 1960 pour lutter contre les mesures d'économies gouvernementales a joué, sous l'impulsion de la FGTB d'André Renard, le rôle d'une véritable caisse de résonnance pour le mouvement wallon.

Après de nombreuses années de combat politique, la création de la Région wallonne fut donc, avant tout, une réponse à une revendication populaire nourrie par la frustration de vivre dans un État qui n'a jamais su tenir compte des besoins spécifiques de la Wallonie et lui apporter les moyens de son développement.

Il faudra attendre 1980 et plus encore 1993 pour que la Wallonie dispose enfin d'une autonomie réelle et d'une capacité à mettre en œuvre une politique économique adaptée à ses besoins. Même s'il était déjà bien trop tard (le taux de chômage wallon atteint alors les 18%), la Wallonie autonome engrange malgré tout de premiers résultats concrets : l'obtention des fonds européens par Guy Spitaels (qui joueront un rôle majeur dans la stratégie de reconversion wallonne), la mise en place d'une politique aéroportuaire wallonne par André Baudson, la finalisation des grands chaînons manquants au niveau des infrastructures puis, plus tard, le lancement du Contrat d'Avenir pour la Wallonie par Elio Di Rupo et celui du Plan Marshall par Jean-Claude Van Cauwenberghe et Jean-Claude Marcourt ont incontestablement contribué à redonner des perspectives aux Wallons.

Ainsi, chaque grande étape du combat wallon a été marquée par l’engagement du Parti socialiste. Sans lui, la Wallonie n’aurait jamais pu disposer des moyens de sa reconversion.

Aujourd'hui, dans une Belgique où les entités fédérées gèrent un budget équivalent à celui du pouvoir fédéral, dans un pays où l'identité flamande s'affirme chaque jour avec force, dans une Belgique où la place de Bruxelles et son statut de Région à part entière ne peuvent plus être remis en cause, il nous semble indispensable de donner plus encore aux Wallons les moyens de retrouver la prospérité tout en renforçant leur identité.

A l’évidence, les Wallons se doivent de définir un cap clair pour leur avenir.

Cet exercice commence par une clarification et une simplification des institutions francophones. Celles-ci auraient d’indéniables bénéfices tant en termes économiques qu’identitaires.

Le monde économique wallon est aujourd’hui en attente d'une politique éducative en phase avec ses spécificités, tout comme l’est le monde culturel.

C'est là le fruit d'une évolution logique et constatée partout : seules les régions disposant d'une identité forte et d'un lien étroit entre leurs politiques économique, éducative et culturelle peuvent assurer pleinement leur redressement.

Chez nous, l’exemple du transfert de la politique touristique de la Communauté française vers la Région wallonne et les autorités bruxelloises francophones l'a clairement démontré.

La Wallonie a ainsi pu investir pleinement dans ce secteur pour en faire un des outils de sa relance économique et de son renouveau urbain, tout en maintenant des liens étroits avec Bruxelles à travers l'asbl Wallonie-Bruxelles Tourisme. Ce secteur représente aujourd'hui 5% du PIB wallon et 60.000 emplois.

Au-delà de sa pertinence économique et de ses conséquences positives pour l'emploi, la régionalisation des compétences de la Fédération Wallonie-Bruxelles aurait pour avantage de simplifier un paysage institutionnel peu lisible, empêchant le citoyen de s’identifier aux institutions qui le représentent.

La création de deux pôles régionaux forts et complémentaires, qui auront le devoir d'assurer ensemble la cohérence de leurs programmes scolaires et l'accessibilité de leurs institutions à tous les Francophones, est donc une évolution inéluctable de notre système politique.

Le PS doit, comme il l'a toujours fait, montrer le chemin à suivre et oser poursuivre l'engagement wallon qui ne lui a jamais fait défaut. Sa finalité doit être, comme il l’a toujours été, d'assurer le bonheur et la prospérité des Wallons, en leur donnant la possibilité de choisir ce qu'ils jugent bon pour eux et pour leur avenir.

Les socialistes se sont battus pour créer la Région wallonne et lui donner les moyens de sa reconversion économique, comme ils l’ont fait pour la Région bruxelloise.

Ils doivent aujourd'hui poursuivre leur mission dans le cadre d'une Belgique fédérale à laquelle les Wallons sont attachés et qu'il faut préserver, tout en garantissant l'épanouissement d'une identité wallonne ouverte et tolérante, complémentaire d'une identité belge avec laquelle elle s'inscrit en symbiose.


Christophe Collignon (chef de groupe), Nicolas Martin et Pierre-Yves Dermagne sont députés wallons PS

vendredi 18 septembre 2015

PIERRE-YVES JEHOLET VEUT SUPPRIMER LA FEDERATION WALLONIE-BRUXELLES (RTBF-Natacha Mann)

Pierre-Yves Jeholet, chef du groupe MR au parlement wallon ne veut plus de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Interrogé ce vendredi par Bertrand Henne dans Matin première, il a exprimé son souhait de défendre une Belgique à quatre régions et un État fédéral. Selon lui,"le pouvoir doit émaner des régions. Je pense qu’à un moment donné la sixième réforme de l’État responsabilise les régions. C’est dans un souci de simplifications et de pragmatisme. Je pense qu’il y a une illisibilité dans le paysage institutionnel francophone que ce soit pour les citoyens, pour les entreprises ou les investisseurs étrangers."

Trop de structures

Le chef de groupe estime qu’il y a trop de structures et qu’elles sont redondantes voir parfois concurrentes. Il pose ainsi la question de l’utilité de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de son parlement. Selon lui, "on doit aller vers un pouvoir, une autonomie consacrée aux régions."

Mais si nous disions adieu à cette Fédération, ses compétences seraient transférées aux régions. Une idée qui plait à Pierre-Yves Jeholet.

De l’autonomie mais de la coopération

Bien qu’il préconise une autonomie de gestion pour chaque région, il souhaite les voir collaborer. Pour l’enseignement par exemple, "on pourrait très bien avoir un accord de coopération avec un statut de professeur identique, avec un programme identique" explique Pierre-Yves Jeholet. La position qu’il prend ici est personnelle dit-il, mais il pense que"beaucoup de personnes aux parti adhèrent à ce fait régional, qu’ils soient Bruxellois ou Wallons. On doit oser le débat." Il défend l’idée que de toutes manières, Bruxellois et Wallons n’ont pas la même vision des choses : "On voit par rapport aux problématiques qu’on a des sensibilités totalement différentes entre Bruxellois et Wallons."

"Il y a un problème de cumul et de conflit d’intérêts"

Pierre-Yves Jeholet est aussi revenu sur l’éternel débat concernant le cumul entre bourgmestre et ministre régional. Il affirme avoir déposé une proposition de décret pour l’interdire. "Je pense qu’il y a un problème de cumul et de conflit d’intérêts quand on sait les mannes financières dont les communes bénéficient de la part de la Région wallonne." Il estime incongrue, l’idée qu’un ministre d'un gouvernement régional puisse octroyer des fonds à une commune qu'il gère lui-même en tant que bourgmestre.