vendredi 8 février 2013

BXSL, UNE CHUTE SANS FOND (Le Vif)

Pierre Havaux

25 janvier 2013
Bruxelles inquiète la classe politique. C’est la moindre des choses. Jamais sa population n’ a autant eu besoin de la solidarité nationale : en 2013, elle en dépendra pour 456 millions d’euros. Le Wallon découvre un voisin encore plus pauvre que lui. Mauvais signe pour la paix du ménage francophone.
       
Pauvre Bruxellois. Sans solidarité nationale, il se retrouverait dans de sales draps. Sa Région ne serait plus que l’ombre de ce qu’elle est. Pis encore : de ce qu’elle a été. En 25 ans, la population bruxelloise a oublié de rester riche pour devenir le parent toujours plus pauvre de la Belgique. A tel point que le Wallon peut commencer à se dire qu’il y a plus assisté que lui dans ce pays.
Rien de tel que de mesurer la détresse bruxelloise à l’ampleur de la solidarité déployée par l’Etat fédéral. Depuis 1989, il vient en aide aux Régions qui battent de l’aile fiscalement : dès que le produit moyen de l’impôt des personnes physiques par habitant devient inférieur à la moyenne nationale, l’intervention financière se déclenche.
En près d’un quart de siècle, la Belgique est passée d’une à deux Régions assistées. Le nord du pays n’est ici pas en cause : la Flandre n’a jamais eu besoin du moindre euro de soutien fédéral, et ce n’est pas demain qu’elle devra s’y résoudre. C’est en Wallonie et à Bruxelles que la solidarité fédérale prend tout son sens. Le plus mal portant a changé de visage.
La Wallonie a toujours vécu de la solidarité, elle s’en détache très lentement. Son handicap de départ était lourd : en 1989, sa performance à l’IPP était déjà inférieure de 8,5 % à la moyenne nationale. Son bilan fiscal n’a cessé de se dégrader pour toucher le fond en 2006 et tomber à - 14,9 %. Mais depuis, la Wallonie remonte la pente, elle a atteint - 11,6 % en 2012. Progression trop lente pour imaginer revenir d’ici peu à son niveau de départ et atteindre la moyenne nationale.
Bruxelles du top au flop. Grandeur et décadence. En 1989, la capacité fiscale des Bruxellois caracolait à 13,7 % au-dessus de la moyenne nationale. Puis, c’est l’appauvrissement et le passage sous la moyenne nationale, qui remonte à 1997. Et la dégringolade, jusqu’à se retrouver à 17,8 % sous la moyenne nationale. Un nouveau record à la baisse. Il ne sera pas le dernier. En 25 ans, l’impôt des personnes physiques bruxellois a divergé négativement de 31,625 points de pour cent.
Pareille descente aux enfers alarme le spécialiste des finances publiques Joseph Pagano (Université de Mons). « Bruxelles plonge comme un fer à repasser dans la Meuse. L’appauvrissement de sa population empire, de façon dramatiquement rapide. » Toujours plus d’habitants, toujours plus pauvres : « Il y a 25 ans, le Bruxellois moyen payait 13,8 % d’impôt de plus que le Belge moyen. Aujourd’hui, il en paie 17,8 % de moins. Il est devenu fiscalement plus pauvre que le Wallon moyen. » Lequel est encore loin d’avoir retrouvé la forme.
« Ce qui compte, c’est que la Wallonie remonte. Son rythme d’enrichissement est plus élevé que celui de la Flandre. » Ce petit exploit a permis au sud du pays de déjouer agréablement les pronostics en 2012 : il a réduit de 3,8 millions d’euros sa dépendance à la solidarité nationale. Un monde de différence avec son voisin bruxellois, contraint d’obtenir du pouvoir fédéral une rallonge de 52,3 millions d’euros.
Le modèle bruxellois flanche. Ce n’est ni nouveau, ni surtout en voie de redressement. La tâche reste hors de portée de sa classe politique. Qui rejoue à se faire peur. Didier Gosuin au FDF : « On va dans le mur, il faut tout remettre en question ! » Laurette Onkelinx, nouvelle patronne des socialistes bruxellois, sent le danger. Que « la relation entre la Wallonie et Bruxelles ne s’infecte ».
Bien vu. Il suffit de contempler l’état du bénéficiaire de la solidarité nationale. La Fédération Wallonie-Bruxelles claudique, appuyée sur un convalescent wallon et un grand malade bruxellois. A terme, le patient en revalidation pourrait s’irriter d’avoir à payer pour le grand malade incapable de se soigner. Ce n’est pas le meilleur départ dans la vie, si le couple francophone était condamné à voler de ses propres ailes. Largué prématurément par le bien portant flamand.