mercredi 19 décembre 2012

22/11/10 - INTERVENTION DE THIERRY CASTAGNE, DIRECTEUR D'AGORIA WALLONIE

Mesdames, Messieurs
« C’est avec curiosité que l’on entendra, plus inattendu et inhabituel dans pareil cénacle, un représentant patronal en la personne de Thierry Castagne, directeur général d’Agoria Wallonie, la fédération de l’industrie technologique. » C’est en ces termes que La Libre du 17 novembre commentait le programme de la réunion de ce soir du Mouvement pour le Manifeste wallon.
Soyons clairs d’emblée, en répondant favorablement à l’invitation qui nous a été faite par les organisateurs, il ne s’agit pas pour Agoria ni pour moi d’une démarche militante. On ne m’a pas invité à signer ni à adhérer au Mouvement. Ma participation vise simplement à contribuer au débat démocratique sur l’avenir et l’identité de notre région. Bref, à faire entendre une voix, celui de l’industrie technologique wallonne, qui mérite d’être entendue au sein de pareille assemblée, à côté des interventions politiques, syndicales, académiques.
Quelle est notre position dans ce contexte ? Je vous la livre en 6 points.
1. Dans un Etat démocratique, ce sont les élus qui décident.
Au lendemain des élections de juin, Agoria diffusait un communiqué de presse sur le titre « éviter à tout prix l’immobilisme ». Nous en appelions à une formation du gouvernement et aux réformes nécessaires pour sortir de l’immobilisme dans lequel, il faut bien avouer, l’Etat est englué depuis des années. Car les urgences pour les entreprises mais également pour la population sont économiques et sociales. Le pays n’est pas encore sorti de la crise financière et doit faire face sans tarder à l’assainissement budgétaire (22 milliards € à trouver) ainsi qu’au défi relatif au vieillissement. Bref, régler de manière résolue, équilibrée et décomplexée le dossier difficile des réformes institutionnelles est, tout le monde en convient aujourd’hui, la seule voie.
Rappelons toutefois une évidence. Dans un Etat démocratique, ce sont les élus qui décident. De plus, la discrétion, dans tout processus de négociation difficile, est la règle si on veut réellement aboutir à un accord. N’attendez donc pas aujourd’hui de déclarations tonitruantes ni sur les matières à régionaliser, ni sur la réforme de la loi de financement des entités fédérées.
Le seul message que nous exprimons à nouveau est « la réforme, il faut y aller et sans tarder ».
2. Pour Agoria, la Wallonie (la régionalisation), cela fonctionne.
Agoria ne s’inscrit pas dans une démarche politique sur le plan institutionnel, mais dans une optique pragmatique et volontariste. Dès que les réformes sont votées, notre fédération adaptent ses structures, ses politiques, ses ressources pour répondre au mieux aux besoins des entreprises dans un environnement donné. C’est ainsi que dès les années ’80, notre fédération -qui reste une asbl fédérale- a modifié sa structure en instaurant des directions générales ainsi que les conseils de direction régionaux (composés des chefs d’entreprises). Ces instances régionales sont dotées d’une large autonomie.
Et cela fonctionne : l’aile wallonne de la fédération a été de tous les projets utiles au développement économique depuis des décennies : 3 exemples pour vous en convaincre.
 Les centres de compétences comme Technifutur-Technofutur créés à l’initiative des partenaires sociaux et associant le Forem, l’enseignement, …,
 Les pôles de compétitivité dans le cadre du plan Marshall comme Mecatech ou Skywin,
 Les politiques visant à réduire les émissions de CO2 dans l’industrie (-18%) via les accords de branche signés par Agoria, …
Ces 3 initiatives wallonnes ambitieuses et partenariales sont montrées en exemple par l’Europe et attirent même l’intérêt de la Flandre. J’y reviendrai.
3. La Wallonie d’aujourd’hui, c’est mieux qu’hier mais moins bien que demain…
Soyons honnêtes. Cela va mieux en Wallonie, mais les progrès devraient encore s’accélérer et prendre une plus grande ampleur. Le sens de l’urgence et du changement doivent demeurer la priorité politique et être partagée par toute la population wallonne qui n’est généralement pas assez consciente de l’état réel dans lequel la région se trouve…
Prenons quelques indicateurs qui illustrent cette évolution positive mais aussi l’écart qui reste à combler.
 Le PIB wallon par habitant s’élève à 83 de la moyenne européenne (des 27). La croissance moyenne du PIB pour la période 2002-2008 s’élevait à 1,7% en Wallonie mais contre 2% en Belgique (2,1% en Flandre).
 Le taux de création nette d’entreprises (à savoir le taux de création brut moins le taux de disparition brut) s’élevait pour la période 2000-2008 à 3,3% en Wallonie mais contre 3,8% en Flandre.
 Le taux de chômage selon la définition du BIT en 2009 s’élève à 11,2% en Wallonie pour 5% en Flandre et 15,9% à Bruxelles. Signe encourageant, la diminution du nombre de demandeurs d’emploi sur la période juin2004-juin2010 est plus importante en Wallonie (-10.381) qu’en Flandre (-5.103).
 Le taux d’emploi, même s’il est en croissance, reste encore trop faible (57% de la population active en Wallonie, contre 68% pour la moyenne européenne des 15)
 Évolution positive pour les exportations wallonnes, mais encore insuffisante. Les parts régionales dans l’ensemble des exportations belges entre 2007 et 2009 sont passées, pour la Wallonie de 17,6% à 19,2% contre, pour la Flandre, 80,4% à 78,5%.
 Les scores en matière d’investissement étrangers s’améliorent également. Dans son baromètre 2010 de l’attractivité en Belgique, Ernst & Young relevaient déjà 57 investissements en Wallonie (soit +17 par rapport à l’année antérieure) contre 64 en Flandre (-10) et 25 à Bruxelles (-3).
 Une évolution saluée par Agoria de la politique économique régionale basée sur une politique industrielle sélective au travers des Pôles de compétitivité du Plan Marshall ainsi que des clusters, politique qui n’a pas manqué de retenir l’attention de nos amis flamands. Quelques chiffres : fin 2009, au terme de 5 appels à projets, 128 dossiers industriels basés sur des réseaux d’entreprises et des centres de R&D ont été soutenus pour un budget public de 235 millions€, sans compter les investissements privés. Il faut y ajouter le 388 millions€ prévus sur 5 ans par le plan Marshall 2.vert qui s’annonce prometteur, le 6e appel qui vient de se clôturer dénombre 36 projets supplémentaires labellisés par le Gouvernement wallon
4. La Wallonie en sortira après avoir fait encore davantage d’efforts
Je le signalais à l’instant. Les choses bougent en Wallonie mais le chemin reste long et difficile s’il on veut réduire les écarts avec la moyenne européenne ou les régions avoisinantes.
Selon le Professeur Pagano de l’UMons, dans un scénario extrême où chaque région devrait vivre avec ses propres moyens, les wallons devraient réduire de 15 à 20 % leur train de vie… ou bien le maintenir en recherchant 15 à 20% de recettes supplémentaires, ce qui est bien entendu inconcevable dans un pays, une région où les prélèvements fiscaux et sociaux figurent parmi les plus élevés au monde.
La responsabilisation financière qui s’annonce pour les régions conduira inévitablement à faire plus avec moins. Se posent inévitablement les questions de l’efficacité et de la simplification du fonctionnement de nos institutions, ainsi qu’au final, d’une gestion optimale des dépenses publiques.
Les efforts doivent être consentis par tous. Les entreprises sont également concernées en intensifiant leurs efforts, soutenus par le gouvernement, de développement économique. Bien entendu, en intensifiant les efforts portant sur l’innovation, les investissements, la formation, les exportations, l’esprit d’entreprise.
Mais le marché du travail doit aussi être repensé en concertation avec les partenaires sociaux, sans tabous. Agoria reste attaché au maintien des relations collectives du travail au niveau fédéral tout en prenant en compte les spécificités et compétences régionales, par exemple en matière de formation, d’emploi. Et d’insister qu’il est inévitable que la région qui affiche le plus grand retard sur le plan économique a besoin plus que les autres de mesures fortes pour améliorer la compétitivité des entreprises ainsi qu’un environnement attractif sur la plan des relations sociales dans les entreprises. Nous y travaillons avec nos partenaires syndicaux dans l’industrie technologique.
5. Réformer selon le critère de l’efficacité.
J’appuierai ici le message prononcé fin octobre par le président de l’UWE. « Qu’on le veuille ou non, nous allons immanquablement vers plus d’autonomie des régions, vers une plus grande responsabilisation des régions et de leurs revenus ». La régionalisation doit répondre à 3 critères :
 Viser l’efficacité accrue dans la fonction publique,
 S’inscrire dans la convergence européenne,
 Garder une masse critique de moyens.
Et de poursuivre en disant que « la Wallonie n’a pas à avoir peur de cette évolution. Elle a démontré à maintes reprises qu’elle pouvait relever des défis importants. »
Prenons un exemple concret qui illustre bien l’exigence d’efficacité dans un contexte de régionalisation accrue.
L’enseignement. Selon tous les économistes, l’enseignement francophone bénéficie d’un financement se situant dans le peloton de tête des pays européens. Pourtant, les établissements d’enseignement se plaignent d’un manque cruel de moyens. Sans parler des performances de l’enseignement obligatoire qui restent, en moyenne, bien inférieures aux attentes et médiocres selon les comparaisons internationales. Sans tabou, ne pouvons-nous pas penser à faire mieux en repensant l’organisation et l’efficience de notre système scolaire. Sujet difficile s’il en est… Peut-être en commençant par l’enseignement qualifiant qui pourrait davantage se rapprocher des compétences de la formation professionnelle et de l’emploi. En tant que président de centres de compétences, j’ai pu par le passé mesurer l’intérêt de décloisonner les offres d’enseignement et de formation en permettant un partage de ressources pour l’accès aux équipements, les stages et la formation en alternance des élèves, le recyclage des enseignants, le partage des ressources pédagogiques… à Technofutur à Charleroi ou à Technifutur à Liège, il est fréquent de voir une jeune de l’enseignement technique fréquenter du personnel d’entreprise et des demandeurs d’emploi à l’occasion de formation en soudage, en mécanique, en informatique.
Mais reconnaissons-le. Quel labyrinthe institutionnel que d’organiser de telles collaborations ? quel gaspillage de temps, d’argent, d’énergie à passer à des tâches administratives sans aucune valeur ajoutée.
6. La Wallonie passe par Bruxelles
Brussels South Charleroi Airport… le nom de l’aéroport de Charleroi. Tout un symbole.
Pour ceux qui en doutent encore, l’affirmation et le développement de la Wallonie passent par une coopération renforcée avec la Région de Bruxelles-Capitale, et ce notament sur les plans économique, social, de l’enseignement.
Pour conclure, je rappellerai qu’Agoria en Wallonie a l’ambition de relever, avec les différents acteurs concernés, les défis du futur, dans un contexte de réforme institutionnel. Cela passera d’abord par une prise de conscience plus marquée de la part de la population de la situation réelle de la Wallonie et des efforts à accomplir pour son développement. Et ensuite, de créer une rupture dans notre évolution, en basant nos politiques sur les principes de l’efficacité et de l’excellence, en vue de rattraper la moyenne européenne.
Dans ce cadre, la Wallonie par choix et pas par défaut, est le chemin qui conduit au succès pour tous.
Je vous remercie.
Thierry Castagne
Directeur général Agoria Wallonie – www.agoria.be/wallonie
12.1.11

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