mercredi 19 décembre 2012

MARC BOLLAND S'EXPRIME AUSSI !

Préparer l’avenir wallon ? Jean-Claude MARCOURT a raison !
Jean-Claude Marcourt me semble avoir dit essentiellement deux choses :
  • sur le fond, la Wallonie a 10 ans maximum devant elle pour retrouver tous ses atouts ;
  • sur la forme, une amélioration de l’efficacité institutionnelle est nécessitée par les évolutions économiques et politiques constatées ces derniers mois ; cela passe par une meilleure efficacité de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui doit être reconstruite sur des bases améliorées.
Ces propos ont provoqué des réactions très lyriques et très viriles. L’ampleur et le contenu de ces réactions sont interpellantes et méritent certainement un commentaire.
Les critiques émises sont multiples et il est sans doute bon de les examiner une à une :
1) les régionalistes wallons veulent-ils renier l’accord politique qui a conduit à la formation des majorités en Région wallonne et en Communauté française en 2009 ?
Cet argument est totalement faux. Que du contraire, lors des négociations en 2009, le point institutionnel central des discussions a été l’abandon du concept de Communauté française pour celui de Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette position (unanime d’ailleurs entre majorité et opposition) est inscrite à de multiples reprises dans la déclaration de politique régionale wallonne et dans la déclaration de politique communautaire.
LIEN :
L’abandon du concept de Communauté française repose sur deux idées : l’affirmation du fait régional, dans une Belgique qui a oscillé très longtemps dans le choix entre un modèle basé sur les Communautés ou un modèle basé sur les Régions ; le maintien d’une structure à vocation de coupole, qui prendra la forme d’une fédération. Jusqu’à présent, cette idée a été concrétisée par un changement de nom et d’appellation : la Communauté française est morte ; la Fédération Wallonie-Bruxelles est née ! Aux yeux des régionalistes, il est évident que si il ne s’agit que d’un ravalement de façade, c’est de la poudre aux yeux. Le concept de Fédération Wallonie-Bruxelles est au cœur des déclarations de politique de 2009 et il doit être mis en œuvre. Cela doit se traduire par deux éléments : un transfert des compétences maximum vers les Régions (essentiellement l’enseignement, la culture, les medias), d’une part, et d’autre part une modernisation du fonctionnement de l’institution (essentiellement une modification dans les allocations de moyens via une transformation de la fonction publique et la transformation du Parlement de la Fédération en une instance de concertation entre entités fédérées sur le type du futur Sénat fédéral belge).
2) préparer l’avenir wallon, est-ce un acte de repli sur soi ?
Si les Wallons ne réfléchissent pas à leur avenir et ne se prennent pas en mains, on dit qu’ils sont inactifs : c’est le syndrome wallon de l’inertie ! Par contre, si les Wallons parlent de leur avenir, on leur reproche une volonté de repli sur eux-mêmes. Il faut savoir ce que l’on veut ! Arrêtons la politique de l’autruche et constatons que nous n’avons pas le choix : il faut activement réfléchir à l’avenir wallon, pas dans 20 ans mais maintenant. Pour des raisons très simples :
  • la crise économique : sur ce plan, les Wallons ont déjà avancé avec notamment le plan Marshall et l’esprit qu’il a développé autour de lui, mais ce n’est pas suffisant. Pour agir efficacement, il faut des cohérences au niveau des compétences, cohérences qui doivent être améliorées notamment dans la question de l’emploi et de l’enseignement. Autre exemple : quand les conditions de crédit aux entreprises wallonnes se durcissent, pensez-vous que les entrepreneurs ne souhaitent pas un outil de financement wallon qui les soutienne davantage, sur le modèle de ce que la KBC a fait pendant des années en Flandre ? Ne pas y réfléchir, est-ce décemment préparer l’avenir ?
LIEN : Un bras financier pour la Wallonie – Echo 25/10/010
La crise économique est lourde et ne permet pas de reporter la réflexion. Rien que pour cela, ne pas réfléchir à notre avenir serait une faute.
  • la révolution copernicienne des accords fédéraux : les négociations fédérales ont accouché d’une révolution copernicienne. Sur le plan du financement des Régions, celles-ci ont 10 ans pour se trouver face à elles-mêmes. 10 ans, c’est très peu. Ne pas réfléchir aujourd’hui à l’avenir de la Région wallonne, ce serait une lourde faute ! Il faut arrêter la méthode « coué » et la politique de l’autruche. Il y a beaucoup à faire. En avant.
  • les échéances politiques de 2012 et surtout de 2014 seront sans pitié pour les francophones. Il est vraisemblable que la volonté flamande d’obtenir davantage d’autonomie ne s’arrêtera pas. Ce n’est pas uniquement par l’action au fédéral que l’on parviendra à maintenir l’unité du pays. Si les autonomistes flamands renforcent leur score en 2014 (élections régionales et fédérales conjuguées), et qu’à ce moment, les Wallons et les Bruxellois ne sont pas prêts dans des compétences régionales fortes, nous nous retrouverons devant un mur et il sera encore plus difficile de le franchir que ce ne fut le cas après les élections fédérales de 2010.
Réfléchir activement à l’avenir wallon est donc une nécessité pour ne pas nous retrouver enfermés demain : la Wallonie a toujours été, culturellement et économiquement, une terre ouverte ; c’est lié à sa position géographique, à son histoire et à son état d’esprit. Son avenir doit être ouvert. Réfléchir à notre avenir activement aujourd’hui, c’est tout le contraire d’une politique de repli sur soi !
En tant que wallon, l’accusation rapide et facile de repli sur soi est d’ailleurs très blessante et est ressentie par les Wallons comme une réponse méprisante, un peu à la manière dont les flamands ont ressenti pendant des décennies l’arrogance des milieux francophones à leur égard.
Nos amis bruxellois devraient d’une façon générale, avoir plus de respect pour l’identité wallonne : Bruxelles n’est pas le centre du monde ; les Wallons ont toujours été solidaires des Bruxellois, ceux-ci doivent s’en souvenir et peut être, réfléchir à la manière d’aider la Wallonie aussi. Dans un couple, la relation ne doit pas être à sens unique.
La réflexion sur l’avenir de la Wallonie n’est pas un réflexe identitaire ou nationaliste : c’est une nécessité.
LIEN : Une nation, pour quoi faire ? - 21/07/2010
3) selon certains, ce n’est pas le moment de parler d’institutionnel : le débat sur la fédération Wallonie-Bruxelles n’est donc pas opportun !
Ceux qui affirment cela oublient essentiellement trois choses :
  • l’accord de majorité régional et communautaire prévoit cette évolution (cf. ci-dessus) : il faut simplement l’appliquer ;
  • certains parmi les plus virulents sur ce thême sont ceux qui exigent une réforme des provinces par exemple : il s’agit là aussi d’une réforme institutionnelle, et elle est sans doute moins importante pour l’avenir wallon, ou en tout cas, moins urgente c’est une évidence ; en plaidant la chose et son contraire, ceux là font donc preuve d’un art du grand écart digne des meilleurs gymnastes olympiques ;
  • ils oublient aussi l’importance et l’impact des effets des négociations fédérales : il y a une révolution copernicienne institutionnelle en cours, qui sera d’application pour 2014 au plus tard : faut-il faire comme si rien ne s’était passé depuis les accords de 2009, et conserver notre bonne vieille culture du tabou et de la politique de l’autruche ?
4) le lien Wallonie-Bruxelles doit-il être abandonné ?
Personne ne parle de cela ; agiter cet épouvantail, c’est constituer un masque de fumée devant la réalité.
Même si parfois, les Wallons ont le sentiment que le lien est à sens unique, même si parfois les Wallons ressentent dans les propos des Bruxellois à leur égard une réminiscence de la vieille culture francophone belge qui a dominé les peuples wallon et flamand pendant des décennies, ce lien doit être maintenu. Maintenu, oui mais amélioré et aménagé compte tenu de l’évolution des besoins et des contraintes extérieures.
Il est clair que la Wallonie et Bruxelles ont des liens culturels, et que la défense des francophones dans l’Etat belge nécessite une coordination étroite des politiques. Il est évident que des intérêts économiques communs existent. Chacun en est conscient. Evoquer une amélioration de l’efficacité du lien entre la Wallonie et Bruxelles, ce n’est certainement pas prôner l’abandon du lien privilégié entre les deux institutions. Il faut non pas abandonner la fédération, mais la reconstruire, en mettant en œuvre le concept repris dans les déclarations de politique générale adoptées en 2009 par le Parlement wallon et le Parlement de l’ex-Communauté française.
5) quel peut être l’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Sur le plan institutionnel, l’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles est d’être une fédération (ce qui dit très bien ce que cela veut dire), dont les vocations premières sont la coordination des politiques spécifiques menées, et la défense des droits des francophones au sein de l’Etat belge. Les compétences actuellement du ressort de la Fédération doivent être confiées aux Régions (surtout l’enseignement et la culture), et coordonnées entre les deux régions via une structure gouvernementale et parlementaire à vocation de coupole. Les structures doivent être réformées : qui niera la lourdeur excessive dans le travail parlementaire des séances au sein du Parlement de la Fédération actuellement ? Faut-il mobiliser plus de 90 députés une semaine sur deux, avec tout l’appareil administratif qui s’y associe, pour être efficace ? Ces questions sont-elles tabous ? Pourquoi ne pas les aborder en toute lucidité ? La même réflexion doit être menée en ce qui concerne l’affectation des moyens, via une réflexion sur la fonction publique.
La Wallonie doit développer ses atouts géographiques au travers d’une politique d’ouverture internationale active. Nous avons intérêt à travailler de façon coordonnée sur le plan économique avec les Bruxellois, c’est une évidence, mais nous devons aussi travailler pleinement avec les deux moteurs économiques puissants qui sont à nos frontières : la Flandre et l’Allemagne. L’avenir de la Wallonie est à une position institutionnelle à géométrie variable, sur le modèle en cours de développement autour de la métropole lilloise par exemple. La réflexion sur notre avenir n’est pas un repli sur soi.
6) commentaire
L’avenir n’est pas à la politique de l’autruche. Il n’est pas non plus à la tension entre Communautés ou Régions. Il est à la lucidité et à l’action. Les Wallons ne pourront compter que sur eux-mêmes pour en sortir. Qu’on ne leur reproche pas d’en avoir pris conscience clairement !

Marc BOLLAND
Député wallon
Le 19 janvier 2012
21.1.12

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