mercredi 19 décembre 2012

POUR UN MODELE BASE SUR LES REGIONS

Alain Maskens, médecin et essayiste, corédacteur du Manifeste bruxellois (*). Jean-Claude Vandermeeren, secrétaire général honoraire de la FGTB wallonne, signataire du Manifeste wallon .
 
Avez-vous déjà entendu les partis francophones proposer ensemble un projet pour la Belgique de demain ? Rien. Olivier Maingain : « Nous n’avons jamais été capables de mettre sur la table, de manière consensuelle, notre vision commune à l’horizon, disons, de 10 ans » (Le Soir du 28/01).
Dans ces conditions, comment et sur quoi négocier, face à une Flandre qui, elle, a déjà depuis longtemps exprimé très clairement son projet – un projet qu’elle propose pour tout le pays ? Ce sont les fameuses « résolutions » votées par le Parlement flamand en 1999. Elles demandent d’évoluer vers une Belgique faite de deux Etats confédérés largement autonomes (Flandre et Wallonie) cogérant largement la capitale.
Pour pouvoir négocier valablement, il est donc une étape indispensable : Wallons, Bruxellois et germanophones doivent enfin définir eux aussi leur projet. Non un plan B « Wallonie-Bruxelles » concocté entre « francophones », excluant d’emblée la Flandre, établi sans concertation avec les néerlandophones de Bruxelles ni avec les germanophones de Wallonie. Un plan A valable pour tous les Belges.
En réalité, un tel projet existe, porté et demandé par de nombreux acteurs de la société civile.
Dans ce projet, la Belgique devient une fédération de Régions égales et solidaires : la Flandre, la Wallonie, Bruxelles, et la Région germanophone. Les actuelles Communautés disparaissent, leurs compétences (enseignement, culture, jeunesse, ...sont assumées par les Régions, comme c’est le cas déjà en Flandre. Modèle dès lors simplifié (un Etat, quatre Régions), plus cohérent, mais également plus démocratique : dans chaque Région, les compétences sont exercées par un seul gouvernement, soumis au contrôle d’un seul parlement élu directement par tous les habitants du territoire concerné. Le fédéral reste le garant de la solidarité. Et le cadre européen garantit la protection des minorités.
Ce modèle prend en compte les aspirations légitimes et démocratiques de la Flandre : si celle-ci, par ses instances élues démocratiquement, revendique pour sa Région plus d’autonomie, au nom de quoi pourrait-on l’en priver ? Tout au plus peut-on lui faire la proposition d’une fédération forte, et agir pour rendre plus intéressante à ses yeux la coopération de tous au niveau fédéral. Et, si elle refuse, on peut maintenir un niveau plus élevé de coopération et solidarité entre les trois autres Régions par des accords ou structures communes qui ne lient qu’elles.
Par contre, ce modèle d’un Etat basé uniquement sur les Régions protège Bruxelles contre la volonté de la Flandre de cogérer celle-ci avec la Wallonie. Aucun principe moral ou démocratique ne permet à la Flandre de s’ingérer dans la gestion interne d’une Région voisine (sauf peut-être pour les services rendus comme capitale fédérale, qui devraient faire l’objet d’accords transparents).
Si certains en Flandre réclament pourtant ce droit, c’est que les actuelles structures communautaires constituent un précédent dans ce sens. Rappelons-le, le territoire de la « Communauté flamande » recouvre la Flandre et Bruxelles, et le territoire de la Communauté française recouvre la Wallonie et Bruxelles. Pour toute matière « communautarisée », la Flandre est aujourd’hui légalement compétente à Bruxelles – de même que la Communauté française.
Dès lors et très logiquement, les nationalistes flamands font tout pour renforcer les Communautés, demandant par exemple que la gestion des allocations familiales, des soins de santé ou de la justice soient transférées vers celles-ci et non vers les Régions.
Il est donc grand temps d’opposer aux nationalistes flamands le modèle régional simplifié défini plus haut. Face à leur demande d’une autonomie accrue, c’est aujourd’hui – selon nous – la seule réponse loyale et démocratique, et donc défendable en dernier recours devant un arbitrage international. C’est aussi la seule réponse susceptible de remettre le débat institutionnel sur des rails sains. N’est-ce pas un modèle très proche qu’a récemment proposé Johan Vande Lanotte, constitutionnaliste et ex-conciliateur (Le Soir du 17/2) ? N’est-ce pas celui que prône Karl-Heintz Lambertz, ministre président de la Communauté germanophone et par ailleurs expert, lui aussi, en droit constitutionnel ?
Encore faudrait-il que les partis francophones acceptent de renoncer eux-mêmes à l’institution communautaire. Sur ce plan, la position des responsables politiques francophones est malheureusement ambiguë.
Certes, en renommant la Communauté française « Fédération Wallonie-Bruxelles », les partis francophones semblent privilégier la composante « régionale » des entités Wallonne et Bruxelloise, et l’on peut s’en réjouir.
Mais ces mêmes partis refusent tout transfert significatif des compétences actuelles de la Communauté française (notamment l’enseignement et la culture) vers les Régions. Et l’actuel « Groupe Wallonie Bruxelles » censé réfléchir à l’avenir des deux Régions, reste dans sa composition purement communautaire et francophone. Ni les néerlandophones de Bruxelles, ni les germanophones n’y sont représentés. Pourquoi ce rejet ? S’il s’agit d’apaiser le nationalisme linguistique d’une certaine Flandre, pourquoi jouer ainsi le même jeu du repli linguistique ? S’il s’agit d’éviter la cogestion de Bruxelles par la Flandre, pourquoi ne pas renoncer clairement à l’actuelle cogestion partielle de Bruxelles par la Communauté française, et accepter sans arrière-pensées la nature multilingue et cosmopolite de cette Région ?
Il faut aujourd’hui mettre fin à cette ambiguïté, et offrir aux Belges un projet clair et fort. Comme le rappellent avec pratiquement les mêmes mots l’Appel des Bruxellois et le Mouvement du Manifeste Wallon : « Il est temps de laisser derrière nous un État belge où deux Communautés se font face, pour mettre les institutions en phase avec la réalité de la population du pays, en permettant l’épanouissement des Régions, chacune avec son identité propre, des institutions cohérentes et la capacité de développer entre elles des coopérations efficaces, car tissées entre des partenaires égaux ».
A défaut, on laissera en place un communautarisme dépassé, dont les derniers soubresauts seront mortels pour ce pays et sa Région centrale.
(*) www.manifestobru.be
22.4.11

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