dimanche 16 décembre 2012

BRUXELLES, WALLONIE, DEUX REGIONS. POINT !

ENTRETIEN PAUL PIRET
 
José Happart célèbre à sa façon la fête bruxelloise de l'Iris. Le président (PS) sortant du parlement wallon actualise sa vision classiquement "régionaliste". En substance, il enjoint aux Bruxellois : décidez-vous, devenez une vraie Région, gonflez-la des compétences communautaires ; avec ça, on pourra négocier sérieusement avec le Nord...
Comment voyez-vous l'automne institutionnel belge ?
Je ne crois pas du tout à la fin de l'Etat Belgique. Il subsistera tant que l'Europe ne sera pas devenue un véritable Etat. Car si la Belgique disparaît, les Régions qui se déclareraient nouveaux Etats devraient reprendre à zéro leurs processus d'adhésion et on perdrait de facto les institutions européennes. Personne n'est assez sot pour proclamer une indépendance quelconque. Cela dit, les problèmes communautaires vont revenir à fond. Le CD&V viendra avec des dents allongées, à défaut d'avoir pu montrer des avancées avant les élections : on leur a dit "non", ils vont revenir plus forts. Et Bruxelles va être le problème le plus important. Mais les Bruxellois peuvent apporter leur pierre à la résolution des problèmes.
Comment ça ?
En assumant le fait régional à 100 %. Bruxelles doit accepter d'être une région à part entière, bilingue, en gérant elle-même, directement, sur son territoire toutes les matières dites communautaires françaises - enseignement, social, culture... Bruxelles doit donc proposer le transfert de matières, avec les moyens financiers afférents bien sûr. Je verrais très bien, par exemple, une fusion entre l'ULB et la VUB qui donne à l'université une dimension européenne (de la même manière qu'il faudra se résoudre à une université en Wallonie). Si Bruxelles existe ainsi, la négociation communautaire pourra se faire avec une fameuse épine hors du pied. Sinon, nous retomberons dans la mesquinerie habituelle de négociations où les francophones se feront à nouveau gruger par une Flandre arrogante et qui se croit toujours riche.
Comment la Flandre accepterait-elle de tels transferts, déjà réticente sinon hostile à l'existence de la troisième Région ?
Il faut d'abord que les Bruxellois le demandent. Si oui, et si la Wallonie est d'accord, cela mettra la Flandre devant une obligation de choix. Si Bruxelles décide d'organiser l'enseignement, y compris néerlandophone, sur son territoire, je vois mal la Flandre s'y opposer unilatéralement. La Flandre ne saura rien faire seule contre la Wallonie et Bruxelles.
La Région wallonne se renforcerait de la même manière...
Evidemment, c'est inéluctable.
... Que resterait-il alors comme articulation entre Bruxelles et la Wallonie ?
Elle est automatique, en termes de solidarité. Aujourd'hui la Wallonie contribue plus que Bruxelles à "l'espace" de la Communauté française : je ne demande pas qu'on y touche. Et puisque l'enveloppe Etat-Belgique persistera, on ne va pas se séparer de Bruxelles. Quant aux communes à statut spécial, dont Fourons, ça doit se négocier dans le même cadre : celui de la Constitution, pas celui des directives flamandes. Si les francophones avaient eu le courage de faire tomber le gouvernement sur les circulaires Peeters, on ne se retrouverait pas avec trois bourgmestres francophones qui ne sont pas nommés en application de dispositifs anticonstitutionnels - n'en déplaise aux chambres flamandes du Conseil d'Etat.
Comment sortira-t-on de ce problème-là ?
Pas sans un accord global, dans lequel se trouvera bien sûr la scission de Bruxelle-Hal-Vilvorde.
"Bien sûr" ?
Elle est inévitable. Mais pas à la hussarde comme le voudraient les Flamands. Encore les francophones doivent-ils avancer des propositions équilibrées. Dans la vie, tout doit se faire par négociations. Nous sommes différents des Flamands, nous n'en sommes pas les ennemis.
Vous parliez de "l'enveloppe Etat Belgique". Et "l'enveloppe" francophone, elle ?
Elle n'a jamais existé ! Les Bruxellois se considèrent d'abord comme Bruxellois. Et les Wallons..., on leur a fait croire, depuis les bureaux de partis installés à Bruxelles, qu'ils ne sauraient rien faire seuls. Or, la Région wallonne, comme toute autre, si elle en a les moyens et l'autonomie, peut s'y faire. N'en déplaise aux esprits chagrins, elle est proportionnellement en train de se relever. Prenez l'aéroport de Liège...
Politiquement, vous êtes isolé. On voit un relatif consensus, dans les partis francophones, pour redéfinir une fédération Wallonie-Bruxelles à partir des deux Régions. C'est un pas vers une logique plus régionale ; ce n'est pas votre schéma régionaliste...
Leur scénario est une étape transitoire qui ne doit pas durer longtemps. Pour avoir une fédération, ou plutôt une confédération Wallonie-Bruxelles, il faut d'abord que la Région bruxelloise existe à pleines compétences. Institutionnellement, je suis un vrai pro-Bruxellois. J'ai déjà donné, d'ailleurs : si la Région bruxelloise est née en 88-89, c'est notamment parce que j'ai renoncé au maïorat à Fourons. Je suis contre la pensée unique ; c'en est une de dire que la Communauté française va nous permettre de résister. Moi, je ne me positionne pas en termes de résistance mais de négociation.
"Pro-Bruxellois" ? On ne va pas vous dire que vous abandonnez Bruxelles ?
Pas du tout. Ça, c'est le complexe que l'on a donné à la Wallonie.
Ne donne-t-elle pas les bâtons pour la battre ? Regardez la législature, remplie d'"affaires" plus ou moins avérées...
Autoflagellation ! Les Wallons sont très forts pour s'auto-discréditer. Quand la Flandre a son scandale du Smeerpijp, elle l'enterre ; quand il y a un problème pelliculaire en Wallonie, on en fait les gros titres. A 80 %, disons, la Wallonie est bien gérée. Sur les bulletins, 80 %, c'est une grande "dis". On a fait tout un foin sur Van Cau ; jusqu'à présent, rien... Vous vous souvenez d'Immo-Congo ? C'est l'un des meilleurs investissements que la Région ait jamais fait, à faire pâlir tout spéculateur immobilier ! Et on a fait moins de bruit pour les carrousels à la TVA que pour sept malheureux députés aux Etats-Unis.
Vous n'y voyez toujours pas un problème...
Vous verrez dans les six mois combien la mission pourra être rentable. Si on y gagne une liaison aérienne directe avec Phoenix, on oubliera le reste. Tous les Parlements bougent ! Si Internet suffisait, plus un homme d'affaires ne ferait encore ses valises.
Bref, quand c'est wallon, tout est bon ?
Non, il y a des problèmes à régler. Mais si la Wallonie n'existe pas ou moins dans le conscient des gens, n'est-ce pas parce que l'on y a fait du bon travail, que l'on rencontre leurs desiderata ? Qu'on arrête de faire peur aux Wallons ! Une bonne manière, c'est d'avancer dans la régionalisation ; de trouver des formules qui donnent à chacune des Régions l'autonomie la plus globale.
© La Libre Belgique 2009
8.5.09

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