« La Wallonie, c’est
l’addition de toute une série de petites patries » - Dans « Le Soir » du
mercredi 3 mars 2010, Hervé Hasquin est interrogé par William
Bourton
Hervé Hasquin est né à Charleroi, il travaille à Bruxelles (à l’Université et à l’Académie) et habite Silly, dans le Hainaut occidental, où il préside le CPAS local. Il fut par ailleurs ministre régional bruxellois et ministre-président de la Communauté française (MR). Enfin, en tant qu’historien, il a publié de nombreux travaux sur la Wallonie (1). Bref, un bon profil pour parler des identités dans ce pays…
Existe-t-il une identité wallonne ?Selon moi, il n’y a pas d’identité
wallonne. Beaucoup de poètes wallons l’on dit : la Wallonie, c’est l’addition de
toute une série de petites patries. L’esprit de clocher est très développé.
Prenons un exemple. Quelle est l’identité du Hainaut ? En 1793, en créant le
département de Jemmapes, ancêtre de la province de Hainaut, les Français ont
rassemblé la Thudinie (qui appartenait à l’ancienne Principauté de Liège), une
partie de la région de Charleroi (qui était le comté de Namur), la principauté
indépendante de Tournai et le comté de Hainaut proprement dit. Petite parenthèse
: Hal, qui est au cœur de nos débats sur BHV, était une bonne ville du comté de
Hainaut !Dans la mentalité collective, il reste des survivances de ces divisions
anciennes. Au milieu du XIXe siècle encore, on
distinguait dans certains textes les Belges et les Liégeois. Plus près de nous,
Mouscron-Commines ont fait partie de la Flandre-Occidentale jusqu’à 1962-1963.
Quand vous allez expliquer à ces gens qu’ils sont Wallons, ils réagissent et
vous rétorquent qu’ils sont des Picards. Dans le Luxembourg belge, il y a
toujours de fortes racines allemandes. Posez par ailleurs la question aux gens
de la communauté germanophone : la plupart refuseront de dire qu’ils sont
Wallons. Et dans le Brabant wallon, beaucoup se considèrent comme des
Bruxellois…Bref, pas d’identité wallonne. C’est irrémédiable
?Non.
L’identité wallonne est seulement en train de se créer. Les choses, selon moi,
vont évoluer avec le temps. Les gens nés après 1980 ont appris à savoir que
Namur est la capitale de la Wallonie. C’est l’habitude de vivre ensemble, sur un
même territoire, sous un même gouvernement, qui peut créer, non pas une Nation,
mais le fait de se sentir de quelque part.Mais à l’heure de l’Europe sans
frontières et de la mondialisation, ces jeunes nés après 1980 auxquels vous
faites allusion, n’ont-ils pas d’autres enracinements ? Ne se sentent-ils pas
d’abord francophones, européens, voire « citoyens du monde »
?…Ils se
sentent plutôt, à mon avis, européens. Francophones, non. Il n’y a pas de nation
francophone. Il y a quinze ans, Gol avait essayé de me convaincre de faire un
ouvrage sur la « Nation francophone ». J’ai refusé, parce que c’était une
ineptie historique et sociologique. Ça n’existe pas.Vouloir raffermir, et même créer si
l’on vous prend au mot, une identité wallonne en 2010
?Première chose, j’avais déjà signalé par le passé à certains de mes
présidents de parti (dont Ducarme) qu’il était paradoxal que le terme «Wallonie
» n’apparaisse nulle part dans un texte législatif en Belgique. Quand vous
utilisez le terme de « Région », vous mettez davantage l’accent sur le fait
qu’une région est une partie d’un tout. Tandis que si vous faites tomber ce
concept, cela donne tout de suite une identité plus forte. J’estimais pour ma
part que c’était une façon de permettre, à bon compte, à certains de trouver une
plus grande satisfaction dans leur enracinement
régional.Pour le reste, je ne sais pas ce que Rudy Demotte a exactement en tête…
Cela peut s’entendre de plusieurs façons. Une chose est sûre : il ne faut pas
être gêné d’être wallon. Au moment même où il est de bon ton, chez certains, en
Flandre et même parfois à Bruxelles, de couvrir de quolibets les Wallons, je
trouve légitime d’encourager un sursaut de fierté (et je ne dis pas de «
nationalisme » !) pour défendre sa région. C’est même une nécessité. Les gens
sans fierté n’avancent pas et ne progressent pas. Mais la fierté, elle naît
aussi dans la naissance, le développement et la réalisation d’un certain nombre
de projets. Qu’on se construise une identité en se projetant dans le futur, en
ayant de l’ambition, ce n’est pas dangereux, ce n’est pas de la xénophobie, ce
n’est pas du bellicisme. C’est simplement être fier de ce qu’on est. Et je le
répète, pour avancer dans la vie, il faut tout de même être
décomplexé.(1)A lire, entre autres ouvrages : La Wallonie. Son
histoire, Luc Pire, 1999.
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DEBAT INSTITUTIONNEL EN WALLONIE ET A BRUXELLES +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
lundi 17 décembre 2012
L'IDENTITE WALLONNE EST EN TRAIN DE SE CREER (H.Hasquin)
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