mercredi 19 décembre 2012

MARCOURT PARLE JUSTE (Charles Bricman)

J’ai observé avec beaucoup d’intérêt mais sans rien dire jusqu’ici, les remous provoqués par les déclarations de Jean-Claude Marcourt, le ministre wallon de l’Economie, sur la « déconstruction » de la Communauté française, sur la régionalisation de l’enseignement et sur le lancement d’une réflexion sur le destin de la Wallonie. Croyez-vous qu’on se serait réjoui de cette relance – enfin! – d’un vrai débat d’idées? Que nenni! Demotte tire la gueule à son collègue, Moureaux a des aigreurs d’estomac, l’ayatollah Ecolo Cheron se déclare en colère et au FDF, on commande les sels. Remettre en cause la PUC (Pensée Unique Communautariste), ça ne se fait pas, Jean-Claude…
Eh bien moi, je dis que là-dessus, il a mille fois raison, Marcourt.
C’est un point sur lequel, je l’avoue sans vergogne, j’ai viré de bord. Pas parce que je suis versatile comme la Donna de Verdi mais parce qu’il faut être logique: la Communauté à la belge, en tant que concept, faisait sens tant que l’on pouvait songer, comme Otto Bauer le fit en son temps pour le défunt empire austro-hongrois, à un « fédéralisme personnel », c’est-à-dire non territorial, permettant à des « communautés » de s’organiser et d’exercer leurs compétences au bénéfice de leurs membres, où qu’ils résident en Belgique.
Cette idée a été enterrée sans fleurs ni couronnes au carrefour des années 80 et 90 du siècle dernier. C’est éventuellement regrettable, mais c’est un fait, et les faits sont plus forts, comme chacun sait, qu’un ministre-président. Les Communautés ne sont plus des « communautés » de personnes mais des collectivités territoriales comme les autres. Donc des régions, ou des Länder, ou des Etats fédérés. On n’en a plus besoin et nos « régions » suffisent désormais amplement à la tâche, sauf à considérer qu’il n’y a aucune raison de faire simple quand on peut faire compliqué.
La « nation francophone » qui fut chère à Jean Gol s’en trouve ravalée au statut de mythe suranné qui ne sert plus de référence qu’à ceux dont le curseur est resté calé sur les années 60, quand les « méchants Flamands » marchaient sur Bruxelles, sous la conduite de Wilfried Martens, jeune zazou flamingant et calotin qui terrorisait les bons bourgeois francophones et belgicains dont je faisais partie à l’époque. La Belgique d’aujourd’hui, ce sont deux grandes régions qui ont chacune leur langue officielle et puis deux petites, linguistiquement mixtes ou pluralistes – Bruxelles et les cantons germanophones.
Laissons si vous le voulez bien ces derniers de côté, ce sont des gens paisibles et de bon sens, ils ne nous en voudront pas. Ils sont d’ailleurs exemplaires de loyauté fédérale, ces Germains: ils s’occupent de leurs affaires et pour le reste, s’abstiennent soigneusement de prendre parti pour les uns contre les autres, ou pour les autres contre les uns. C’est pas leurs oignons.
Bruxelles ferait aussi bien de s’en inspirer. C’est cependant plus compliqué, du seul fait de l’existence de ces « communautés » devenues polluantes et toxiques, surtout quand on joue sur les mots et quand on donne à l’une un petit nom qui ne peut que faire rugir l’autre: fédération Wallonie-Bruxelles qui semble préfigurer la Belgique résiduelle et francophone de Papy Mougeot, soit celle de 1830 amputée de la Flandre ingrate que les vilains Flamands auraient « volée », l’oncle Jules (Destrée) dixit.
La Belgique de 1830 est un échec. Celle qu’on lui a substituée à partir de 1970 ne l’est pas moins. Ce que Marcourt propose, je le vois comme un espoir d’entrer enfin dans celle de 2020.
C’est un autre modèle et c’est sa première qualité, les précédents ayant surabondamment fait la preuve de leurs vices si mal cachés. Car c’est un modèle qui part de la base. Marcourt est un ministre wallon. Comme les ministres flamands le font pour les Flamands, il s’intéresse d’abord aux Wallons, quoi de plus normal? Et il y a du grain à moudre car la Wallonie ne va toujours pas bien. C’est sans doute aussi la faute aux amis socialistes de Marcourt, aux manettes depuis si longtemps en Wallonie (avec des complices, faut-il le dire), mais ce n’est pas la question. A trop vouloir désigner les responsables du passé, on néglige de gérer les problèmes du présent qui seront le passé de demain. Laissons donc ça à l’électeur.
Mais qui ne voit que la Wallonie est un problème en soi? Que ce problème a des causes et des caractéristiques qui lui sont propres, spécifiques en tout cas dans le cadre belge? Que, partant, ce problème appelle des remèdes tout aussi spécifiques?
Je m’emporte mais ne devrais pas. Ces questions appartiennent aux Wallons et c’est à eux qu’il revient d’y répondre. Qu’ils ne se laissent surtout pas intimider par les apôtres qui leur prêchent que prendre en mains sa destinée est un repli sur soi, c’est tout le contraire: c’est la guerre des bassins et l’esprit de clocher qui enchante les frileux et va si bien avec la Belgique de bom’pa, résiduelle ou pas.
Et c’est un Bruxellois qui le dit à ses amis wallons.
26.1.12

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