mardi 18 décembre 2012

LA PRESIDENTOCRATIE ETOUFFE LA DEMOCRATIE WALLONNE !


Un directoire de quatre présidents de partis régente de plus en plus la vie politique en Wallonie, tout en la diluant dans le cadre élastique d’une supposée Fédération wallo-bruxelloise. Face à cette dérive – la présidentocratie- nous préconisons une réforme radicale.

D’où vient la présidentocratie ?

Depuis le début des années 90, quand un parlementaire devient ministre et tant qu’il le demeure, il ne siège plus au Parlement. Un suppléant le remplace. Les Assemblées se retrouvent ainsi peuplées d’inconnus qui profitent du rang qu’on leur a attribué sur les listes électorales. A la Chambre, il y a 52 suppléants sur 150 députés, 8 suppléants sur les 10 députés CDH ! Au Parlement wallon il n’y a que 16 suppléants sur 75 députés, mais 12 suppléants sur les 29 députés PS! On a toujours nommé des ministres hors du Parlement, mais la pratique s’est renforcée. Les présidents de partis les ont toujours désignés, mais avant ils prenaient en compte : résultats électoraux, présence sur le terrain, poids des fédérations, des intérêts représentés (syndicats, mutuelles...), travail parlementaire. Actuellement, une carrière commence souvent avec l’attribution d’un poste ministériel ensuite légitimée, avec des fortunes diverses, par l’électeur. Chaque scrutin « national » se conclut par un jeu de chaise musicale parlementaire et ministériel.

Par ailleurs, les médias trivialisent la vie politique en privilégiant l’immédiat par rapport au fondamental. Ils accentuent la pipolisation du personnel politique. Les différences entre partis ne sont plus idéologiques, mais historiques, vestiges des clivages (flamands/wallons, catholiques/laïcs, conservateurs/progressistes, etc.), qui contribuèrent à structurer la vie collective en piliers. La présidentocratie résulte de l’élection directe, par les affiliés aux partis, de présidents qui furent toujours puissants, mais qui autrefois avaient à compter avec des contre-pouvoirs : fédérations au niveau des provinces ou des arrondissements électoraux, poids électoral de l’élu, etc. Aujourd’hui, même si la participation à leur élection est souvent très inférieure à la majorité des adhérents, les présidents de partis peuvent se prémunir des critiques en se targuant de la légitimité que cette élection leur confère! Ce qui aurait pu permettre une saine compétition et des débats d’idées se transforme en kermesse médiatique au bénéfice d’un candidat ou d’une paire de candidats uniques. Quel politique oserait aujourd’hui se lever contre un président élu avec 90% des suffrages ? Et quand ce mandat présidentiel est cumulé avec une fonction de vice-premier ministre fédéral, il n’y a plus d’espace pour le débat interne. Le quadriumvirat présidentiel (PS, MR, CDH, Ecolo), avec ses deux Augustes et ses deux Césars, paralyse le débat. La mainmise présidentielle s’étend même au choix des chefs de groupes parlementaires, dont les secrétaires, chiens de garde présidentiels, filtrent l’action des élus. Ceci est à relier à la crise de la démocratie représentative dont l’un des enfants monstrueux est le berlusconisme, mélange de fortune privée, de pouvoir médiatique et de pipolisation trash mobilisés au profit de la conquête et de la conservation du Pouvoir.
Redonner de vraies chances au débat démocratique
Il n’existe plus d’opinion publique belge, sauf de manière épisodique. Encore moins de société civile. Wallonie, Bruxelles et Flandre ont des comportements électoraux distincts, la Flandre apparaissant plus volatile. C’est au niveau régional que le système peut se débloquer, trop d’équilibres précaires étant en jeu ailleurs. Nous proposons donc une réforme radicale de la vie politique en Wallonie.

Dans le cadre de son autonomie constitutive, le Parlement wallon a le pouvoir de modifier le nombre de ses membres et celui des circonscriptions électorales. Celles-ci, peuvent être facilement délimitées sur la base des cantons électoraux actuels. Sur l’ensemble du Parlement wallon, une majorité de députés devraient être élus au scrutin uninominal majoritaire (à un ou deux tours). Les autres devraient être élus au scrutin proportionnel de liste et, pour ceux-ci, on peut envisager, soit une circonscription couvrant l'ensemble du territoire wallon, soit un nombre limité de circonscriptions sous-régionales. L'électeur recevrait deux bulletins: un pour le scrutin majoritaire avec uniquement le nom du candidat des partis en présence, l'autre, pour le scrutin proportionnel, uniquement avec les noms des partis. Les votes de préférence personnels seraient exclus afin de favoriser la compétition entre listes et non entre candidats d’une même liste. Un système d’audition des candidats ministres par le Parlement wallon pourrait être instauré : ces candidats seraient interrogés sur les compétences qu’ils se voient confier. Le Parlement voterait alors la confiance à chaque ministre individuellement et à l’ensemble du gouvernement .

La bipolarisation nécessaire

La réforme obligera les partis, soit à se regrouper avant les élections sur la base d’un programme établi en commun, soit à annoncer avant les élections quelle sera la coalition privilégiée. L'introduction d'une dose de scrutin majoritaire favorisera une plus grande transparence de la vie politique et permettra d'éviter la mise en place de coalitions contre-nature ou si larges que l’opposition se retrouve non pas minoritaire, mais minorisée et par là dépossédée de son rôle. Mais l’effet fondamental de cette réforme sera de relancer le débat démocratique en rendant à nouveau possible l’affrontement gauche /droite (ou majorité contre opposition), ce qui grandira les chances d'impliquer et intéresser les citoyens face à un système plus clair où leur choix pèsera à nouveau.

Robert Collignon, ancien président du Parlement wallon, ancien Ministre-Président wallon
José Fontaine, Directeur de la revue TOUDI
Michel Gigot, vice-président du Mouvement du Manifeste Wallon
Jean-Emile Humblet, sénateur honoraire, président du C.W.A.RE.
Jean Louvet, président du Mouvement du Manifeste Wallon
Jean-Claude Vandermeeren, ancien Secrétaire général de l’IRW-FGTB

18.10.10
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire