mardi 18 décembre 2012

FLANDRE-WALLONIE : MICHEL QUEVIT DENONCE LES MENSONGES FLAMANDS


Article de Dominique Berns dans « Le Soir » du samedi 3 avril 2010

Cela fait cent soixante-quinze ans que nous payons pour la Wallonie, ça ne peut plus durer », déclarait Jean-Marie Dedecker à l’hebdomadaire français Le Point en décembre 2008. Le patron de la Lijst Dedecker (LDD) ramassait ainsi la thèse martelée en Flandre depuis le milieu des années 70 par les élites politiques et économiques, mais aussi par les médias : celle d’une Wallonie structurellement fainéante, improductive et mal gouvernée.

La thèse, on le sait, fonde le discours nationaliste flamand. Mais elle justifie aussi, aux yeux d’un grand nombre de nos concitoyens du nord, les revendications autonomistes, voire indépendantistes des partis flamands et la remise en cause de la solidarité nationale au sein de l’État fédéral belge.

Cette thèse est fausse, affirme l’économiste Michel Quévit, grand spécialiste de l’économie régionale, dont Les causes du déclin wallon avaient, au milieu des années 70, contribué, plus que tout autre écrit, au réveil, lent et laborieux, de la Wallonie.

Dans son dernier essai Flandre – Wallonie. Quelle solidarité ?, il révèle une réalité bien différente de celle à laquelle la plupart des Flamands et de nombreux Wallons et Bruxellois ont fini par croire. « Je voulais m’adresser autant aux Flamands qu’aux Wallons. Car la stigmatisation de la Wallonie interpelle tous les Belges. Quand Jean-Marie Dedecker affirme que la Flandre paie pour la Wallonie depuis 1830, les Flamands le croient. Or, il ment. »

Au terme d’une analyse serrée des contributions des régions aux recettes fiscales, mais aussi et surtout des principales politiques mises en œuvre par l’État belge depuis 1830 – du développement du port d’Anvers aux lois d’expansion économique, en passant par le développement des charbonnages de Campine et des ports de Gand et de Zeebrugge – il conclut que « jusqu’aux années soixante, donc pendant 130 ans, la Wallonie a largement contribué à la transition d’une Flandre rurale vers une Flandre industrielle et prospère. »

Pour autant, il refuse de dire que la Flandre aurait vécu aux crochets de la Wallonie. « Nous étions dans une phase de solidarité nationale. On considérait que ce qui était bon pour la Flandre était bon pour la Wallonie, et vice versa. Cette phase de solidarité nationale a duré jusqu’à la crise de la sidérurgie wallonne. »
Mais, alors que c’est au tour de la Flandre d’assumer le rôle de région contributrice, les élites flamandes réclament la fédéralisation du pays, puis très rapidement entament une campagne toujours en cours de dénonciation des « transferts » vers la Wallonie. « La Flandre a refusé de venir au secours de la sidérurgie wallonne », explique Michel Quévit. Le ton, rappelle-t-il, est donné par l’aile flamande de la CSC – plus un franc flamand à la sidérurgie wallonne – et, côté politique, par Eric Van Rompuy, qui, en 1979 – il est président des CVP Jongeren –, déclare : « J’en ai assez du poids wallon ! La Flandre en a marre de supporter le poids économique de la Wallonie. » C’est faux, mais ça passe dans l’opinion flamande.

« Quand il s’est agi d’aider la sidérurgie wallonne, on a décidé d’aider aussi d’autres secteurs, regroupés dans ce que l’on a appelé les “secteurs nationaux” (sidérurgie, textile, fabrications métalliques, construction navale, verre, charbonnages. De 1977 à 1980, la Flandre capte 77 % des aides de l’État. Pourtant, il aurait été logique que la Wallonie, qui était en déclin, reçoive la plus grande part de ces fonds. C’est à ce moment-là qu’a sonné le glas de la solidarité économique. »

On aurait pu croire que la fédéralisation du pays allait désamorcer la tendance nationaliste – « nationalitaire », précise Michel Quévit, pour désigner « le projet politique de création d’une entité territoriale autonome dans ou en dehors d’un Etat-nation. » Mais à partir des années 90, c’est la solidarité sociale qui est remise en cause, alors que l’enjeu « nationalitaire » occupe tout le champ politique flamand, surtout depuis que les différents partis traditionnels ont accueilli les orphelins de la défunte Volksunie.

« Je pense, confie Michel Quévit, que la Sécurité sociale sera sur le tapis de la prochaine grande négociation institutionnelle. Comme le fédéralisme fiscal.

L’opinion flamande doit être consciente du jeu qu’on lui fait jouer. Elle doit savoir qu’on la trompe. Ou bien une majorité de nos concitoyens flamands adhère au projet “nationalitaire” et nous devons alors en tirer les conséquences. »


18.10.10

 
 

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