dimanche 16 décembre 2012

"VIVE LA BELGIQUE "WALLONIE-BRUXELLES" ! (Le Soir)

Pages Forum réalisées par William Bourton dans « Le Soir » du samedi 21 février 2009
Dans son dernier essai, que nous avons lu pour vous en primeur, le journaliste et essayiste français José-Alain Fralon esquisse les contours de la Belgique de demain. Elle ressemble à celle d’aujourd’hui… amputée de sa partie Nord. °« José-Alain Fralon connaît très bien la Belgique, pour avoir été correspondant du journal Le Monde à Bruxelles » - Article dans « Le Soir » du samedi 21 février José-Alain Fralon connaît très bien la Belgique, pour avoir été correspondant du journal Le Monde à Bruxelles de 1985 à 1991 et y avoir consacré plusieurs essais. Il n’en demeure pas moins Français, et établi désormais à Paris. Le regard autorisé mais « d’en dehors » qu’il pose sur nos turpitudes communautaires n’en est que plus intéressant.Dans son dernier essai, La Belgique est morte, vive la Belgique ! (Fayard) – qui ne sortira en librairie que le 4 mars mais dont nous vous proposons les « bonnes feuilles » ci-contre –, l’auteur (re)dit son amour de la Belgique telle qu’elle est aujourd’hui – précisant même qu’il aimerait que, demain encore, « elle puisse donner l’exemple d’un pays où plusieurs communautés et plusieurs cultures cohabitent »… Mais voilà, pour lui, « la messe est dite ».S’appuyant sur une longue analyse historique, Fralon estime que le mouvement flamand s’est engagé dans un voyage sans retour, qui débouchera inévitablement sur l’indépendance de la Flandre. Faut-il tout faire pour l’éviter ? Même pas. « Soyez le maître de maison qui indique aux Flamands que s’ils ne se sentent plus chez eux dans la demeure commune, ils peuvent très bien la quitter, suggère-t-il au roi Albert II. Avec courtoisie, comme il sied. En leur rendant même les honneurs. »Mais que deviendraient alors les francophones de Wallonie et de Bruxelles ? Ils continueraient à former une (encore plus) « petite Belgique », qui conserverait ses royaux attributs. Ipso facto, José-Alain Fralon écarte le scénario alternatif, à savoir une Région bruxelloise – district européen et une Wallonie « quatre-vingt-seizième » département français.C’est sans doute sur ce dernier aspect que l’analyse de l’essayiste français est la plus intéressante. Selon lui, le rattachisme n’est ni possible ni souhaitable – pour les Wallons. Au reste, laisse-t-il entendre, au-delà du courant de sympathie un peu diffus qui existe outre-Quiévrain vis-à-vis des Wallons, on ne décèle guère, à Paris, de volonté politique de faire reculer la frontière septentrionale. °« Rattacher la Wallonie à la France ? Impossible et pas souhaitable » - Dans « Le Soir » du samedi 21 février, José-Alain Fralon répond aux questions de William BourtonQuelle appréciation portez-vous sur le problème communautaire en Belgique ?Je dirais que derrière certains aspects un peu caricaturaux, ce qui se passe en Belgique aujourd’hui pose peut-être un des problèmes centraux du débat politique du XXIe siècle en Europe, à savoir : qu’est-ce qu’un Etat, qu’est-ce qu’une Nation ? En France, on ne se pose pas vraiment cette question, cela paraît couler de source. La Belgique pose cette question : dans le cadre d’une Europe unie, quel est le niveau géographique de compétence le plus adéquat pour que les citoyens vivent le mieux possible ? On parle beaucoup de l’indépendance de la Flandre, parce que c’est un problème exacerbé, mais il y a aussi l’indépendance de l’Ecosse qui se pose, il y a eu le Kosovo… cela à l’intérieur d’une Europe qui permet l’éclosion, le renouveau ou la formation de petites entités – parce qu’il n’y a plus de frontières, parce que la monnaie et la base juridique sont communes, etc. Donc, ce qui se passe en Belgique n’est pas un problème anecdotique.Dans votre livre, vous partez du postulat que la Flandre prendra tôt ou tard son envol et que la Belgique telle qu’elle existe aujourd’hui est condamnée. C’est également le point de vue des rattachistes. Mais selon vous, le rattachement de la Wallonie à la France n’est pas une bonne idée. Pourquoi ?Je voudrais d’abord dire que personnellement, j’aime la Belgique telle qu’elle est aujourd’hui – des amis se moquent d’ailleurs de moi en disant que je suis le dernier des belgicains… Donc, si je dis que « la messe est dite », ce n’est pas de gaieté de cœur. Par rapport à la France, j’écris aux wallons : « Comme j’aimerais ne pas vous décevoir »… Mais d’après moi, le rattachement à la France est impossible et non souhaitable. Impossible parce que je crois que pour quelques « grands pays » à l’intérieur de l’Europe, un changement de frontière est très difficile à imaginer. Il serait très mal vu, à Londres, à Berlin ou ailleurs, de voir la France absorber un nouveau territoire. Par ailleurs, si Bruxelles fait partie du lot, je crois qu’il est impossible que les deux capitales de l’Europe – Bruxelles et Strasbourg – soient françaises. Il faudrait que Bruxelles renonce à ce rôle – et Vienne et Berlin se verraient bien le reprendre. Par ailleurs, ce n’est pas souhaitable. Un exemple. Imaginez les Liégeois voir arriver un préfet venant des Alpes-Maritimes ou du Cotentin, s’asseoir à l’hôtel de ville ou à la préfecture, en disant : « L’Etat, c’est moi »… Imaginez la bronca ! La propension à la liberté des communes belges, la décentralisation, le fédéralisme, le suffrage universel proportionnel, tout cela forme des mœurs politiques qui sont vraiment très différentes – même si la France se régionalise.La domination des Français succédera à celle des Flamands, écrivez-vous…… en rigolant : les Liégeois en viendront à regretter les Premiers ministres flamands. Parce que, pour le meilleur et pour le pire, la France est quand même un pays jacobin ; c’est quand même encore à Paris que les décisions se prennent. Je ne crois pas que les wallons seraient bien dans un ensemble français.En son temps, Charles de Gaulle n’était pas hostile à un arrimage de la Wallonie à l’hexagone, au point d’être « persona non grata » chez nous…En effet. Au début des années 60, Baudouin était venu à Paris avec Fabiola et, diplomatiquement, il fallait rendre la politesse. Mais Pierre Harmel (premier ministre PSC en 1965)1966, puis ministre des Affaires étrangères de 1966 à 1972, NDLR) a dit que jamais il n’inviterait de Gaulle, par crainte qu’à l’hôtel de ville de Liège, il s’exclame : « Vive la Belgique et vive la Wallonie libre ! » (le 24 juillet 1967, le président français avait lancé son fameux « Vive le Québec libre ! » à Montréal, NDLR). De Gaulle a beaucoup écrit sur la Wallonie. Pour lui, elle était plus française que belge mais en même temps, lui aussi était persuadé que les puissancs européennes ne voudraient pas…tout en laissant une porte ouverte, dans l’hypothèse où un vrai mouvement populaire solliciterait la France.Nicolas Sarkozy n’est pas dans le même état d’esprit ?Pour l’instant, non.Parallèlement, vous conseillez aux Bruxellois de ne pas céder aux sirènes du « district européen ». Pourquoi ?Parce que je crois que c’est une vue de l’esprit. Il faudrait d’abord que l’Europe soit politiquement beaucoup plus forte. Pour caricaturer un peu, j’imagine mal, lors d’un conseil des ministres des 27 – et peut-être demain des 30 – qu’un ministre letton soulève le problème des feux rouges à Schaerbeek… ce que je veux dire, c’est que le rôle de l’Europe n’est pas d’administrer une ville. En plus, c’est quand même une vue assez élitiste. J’aime bien tous ces manifestes qui affirment que Bruxelles ne doit plus être une monnaie d’échange : je trouve cela très intéressant, moi qui adore cette ville. Mais enfin (dans ces épures), on voit quand même un peu Bruxelles comme une sorte de club anglophile et eurocrate, alors que le fond, c’est que Bruxelles est une ville francophone, même si un esprit flamand y flotte – et c’est très bien ainsi. Je suis persuadé qu’à la minute même où la Flandre déclarera son in dépendance, elle n’aura plus aucun droit – ne serait-ce qu’au point de vue des règles internationales – sur Bruxelles. Cela ne veut évidemment pas dire que les Flamands devront quitter Bruxelles.D’après vous, le salut pour les francophones serait de continuer à vivre ensemble, entre Wallons et Bruxellois, sans la Flandre, au sein d’une « petite Belgique », avec un roi à Laeken ?Exactement. Pour moi, la seule solution est de garder la Belgique, avec la famille royale et les institutions européennes. Je sais qu’il existe de vieilles haines entre Wallons et Bruxellois, qu’ils se connaissent mal, qu’ils se jalousent, etc. Mais je pense que, devant l’urgence de trouver une solution après l’indépendance de la Flandre, ils se resserreront les coudes assez facilement.

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