samedi 8 décembre 2012

MICHEL NOUS (RE)ECRIT !



 
Bonjour Blog,

Il est temps de voir les choses en face. Je suis Bruxellois et donc conscient depuis quelques décennies que beaucoup de Flamands et la totalité de leurs élus ne nous aiment pas (cf "Groot-Dilbeek waar Vlamingen thuis zijn", périphérie, vols de nuit, incinérateur de Drogenbos, BHV, tronçon rhodien du ring, liaison Lille-Bruxelles, Zaventem, ...). Je savais déjà que certains Wallons ne nous aiment pas beaucoup non plus. Mais, voici qu’un court écrit envoyé au journal « Le Soir » me laisse penser qu'en plus, nous pourrions être antagonistes dans un futur rapproché, peut-être dès maintenant.

Te souviens-tu, cher Blog, de la "défédéralisation-régionalisation" de la coopération au développement ? C'était en 1999-2000. Il y avait notamment eu au Botanique une brève rencontre entre quelques invités et Van Cau. Celui-ci vendait la "régionalisation" de la coopération, renvoyant les Bruxellois au Diable (ils pouvaient toujours s’intéresser à l’enseignement. La conséquence de cette lumineuse approche est que, sur ce dossier, les francophones sont partis en ordre dispersé. En face : les Belgicains et les Flamands. Quel est le résultat !? Nous avons été inexistants et les Belgicains se sont fait avoir par les Flamands. Le score !? Le patron de la CTB est Flamand, le patron de la DGCD est Flamand, l'une et l'autre institution sont toujours plus flamandes, il n'y a quasiment plus rien à "régionaliser" du point de vue de la Flandre. D’ailleurs, c’est bien la seule matière à ne plus faire partie du catalogue de revendications des Flamands et l’une des seules à avoir d’ores et déjà fait l’objet d’un accord entre négociateurs de l’Orange bleue fédérale. Magnifique, non !?

Il se pourrait bien que dans le scénario des patriotes et/ou régionalistes wallons, une aimable coexistence des Flamands et des Wallons, chacun de leur côté, soit aussi souhaitable que possible. J'imagine que, dans ce scénario, les Bruxellois (ceux de la région comme ceux qui ont été arbitrairement intégrés ailleurs) seraient laissés en tête-à-tête avec les voisins du Nord tandis que les "Rédimés" pourraient toujours se débrouiller. Dans ce scénario, les Flamands ne sont évidemment plus des antagonistes mais des voisins avec lesquels il est tout à fait possible de discuter, de s'entendre. L'important, il est vrai, est que l'intérêt général wallon ne soit pas mis en cause, voire même qu'il soit garanti.

Il est vrai qu'il y a déjà eu de nombreuses discussions fructueuses entre la Wallonie et la Flandre. A chaque arrangement entre gentlemen wallons et flamands, ce sont les Bruxellois et les Fouronnais qui ont trinqué, et eux seuls.

Tu comprends aussi dès lors que, pour les Bruxellois (et sans doute aussi pour les Fouronnais), la Flandre est d'ores et déjà antagoniste, que cette vérité doit également apparaître et que l'une de ses conséquences logiques est qu'il faut s'unir pour faire face, du moins du point de vue des Bruxellois.

Dans cette confrontation, nous traînons déjà le poids mort des Belgicains, toujours prêts à n'importe quelles compromissions pourvu qu'ils continuent à faire "pompompom pompom" le 21 juillet, à s'émouvoir des exploits de quelque athlète ostendaise, de quelque chanteur carolo, ... Dans cette confrontation, nous découvrons maintenant le patriotisme et/ou le régionalisme wallon, celui-là même qui nie l'union des francophones, qui affirme que la Flandre n'est rien de plus qu'une voisine de la Wallonie, qu'il est donc (encore et toujours) possible de s'entendre avec elle pourvu que la Wallonie n'y perde rien, voire y gagne quelque chose. Du reste, dans un avenir rapproché, les Bruxellois et les Wallons seraient antagonistes et, dès lors, on ne voit pas très bien pourquoi les seconds devraient maintenant montrer vis-à-vis des premiers une quelconque considération, sans même évoquer une quelconque solidarité.

Je pense, cher Blog, que, maintenant, cette attitude revient finalement à constituer les patriotes et/ou régionalistes wallons en alliés objectifs des Belgicains, c'est-à-dire en interlocuteurs bienveillants de la Flandre, déjà prêts à toutes les concessions, à toutes les compromissions. Les premiers agiraient pour le "bien" de la Wallonie, les seconds pour conserver la Belgique.

Cette attitude revient en fait à refuser de voir en face l'évidence du moment : la Flandre d’aujourd’hui est une entité antagoniste, méprisante et menaçante, pas un interlocuteur digne de foi. Le fait que tous les Flamands ne sont pas affiliés au Belang ou des fans inconditionnels de De Decker ne change rien. Ils sont quasiment tous convaincus que les Bruxellois de la périphérie n’ont aucun droit à revendiquer, qu’ils doivent être assimilés, y compris de force. Beaucoup d’entre eux sont en outre convaincus de la dépravation et de la fainéantise des Wallons, de leur supériorité sur ces derniers et sur les Bruxellois. Tous laissent faire les élus flamands et les encouragent de leurs scrutins. C’est peut-être regrettable mais, nous devons, maintenant, traiter la Flandre comme ce qu'elle : un adversaire. Il faut donc lutter, sans états d'âme, en serrant les rangs quand cela va vraiment mal. Et, cela va mal.

Si, comme dans l'affaire de la coopération, nous nous présentons en ordre dispersé tout en étant flangardés par des Belgicains déjà prêts à demander merci, je n'aurais aucun mal à dessiner le futur de la Belgique : trois (ou quatre) régions "coexistent", les Bruxellois des communes à facilités perdent leurs droits, les Flamands ont obtenus davantage de responsabilités dans la région bruxelloise et dans ce qui subsiste de l'Etat fédéral, la solidarité entre régions est sensiblement diminuée. C'est le traditionnel prix à payer pour maintenir la Belgique et pour préserver l'intérêt wallon à court terme.

Bien entendu, un tel avenir ne permet pas non plus d'améliorer le sort des chômeurs wallons et bruxellois, la Flandre ayant acquis encore davantage de leviers de décision. C'est d'ailleurs ce qui devrait lui permettre de s'enrichir davantage.

C'est tragique, non !? C'est exactement ce qui s'est passé pour la coopération. Elle est supposée être belge et fédérale mais, en fait, elle est à la Flandre et les grosses ONG flamandes ou "nationales" continuent à prospérer tandis que les petites ONG wallonnes continuent à ramer. La plupart des emplois à proposer le sont à des Flamands. Les Bruxellois s'en sortent vaille que vaille. Les Wallons disparaissent progressivement des centres de décision. Ils deviennent aussi rares parmi les responsables de la coopération qu’ils le sont parmi les diplomates « belges » ou les agents de police à Bruxelles.

Si j'ai fait le parallèle entre ce qui s'est passé à la coopération et la situation actuelle des négociations, c'est pour démontrer que l'attitude logique d'un régionaliste wallon conséquent est, maintenant, de vouloir l'unité francophone autour d'objectifs communs à atteindre en dépit de l'opposition des Flamands et malgré les reculades des Belgicains. Faute de cette unité, les Bruxellois seront perdants à court terme parce que, une nouvelle fois, ils seront les victimes du compromis. Faute de cette unité, les Wallons perdront à long terme, essentiellement parce qu'ils resteront tributaires d'un Etat fédéral toujours plus flamandisé et, partant, toujours plus méprisant à leur égard. Les Belgicains seront toujours perdants. Si cette étape n'est pas la dernière à franchir avant l'indépendance de la Flandre, elle n'en restera pas moins l'une des dernières.

Si des intellectuels wallons restent régionalistes et n'évoluent pas vers l'indépendantisme à l'instar de leurs confrères flamands, c'est qu'ils estiment qu'un avenir de la Belgique est possible. Pourtant, l'avenir des Wallons dans une Belgique continuant à évoluer comme elle l'a fait ces dernières années est loin d'être rose. Celui des Bruxellois ne l'est pas beaucoup plus.

Il devrait donc être possible de définir une plateforme commune des Belges francophones (je pense ici aux habitants de nos régions et non aux maniaques de la Belgitude). J'imagine qu'au minimum, leur trait commun est de vouloir un Etat davantage respectueux de leurs droits, davantage soucieux du développement économique et social de Bruxelles et de la Wallonie, que ne l'est la Belgique d'aujourd'hui. Puisque le socle commun existe, il devrait être maintenant possible de passer au texte.

En tous les cas, sauf si les régionalistes wallons sont en fait des indépendantistes honteux et/ou frustrés qui, intérieurement, secrétement, se moquent des Bruxellois comme des poissons d'un verger, il est plus que temps de définir ce socle commun et le programme d'actions à mener pour réaliser ces objectifs. Cela devrait au moins éviter que, maintenant, face à l'adversaire, nous présentions un front désuni, propice à ses initiatives et favorisant les réflexes de renoncement des Belgicains.

Bref, il est plus que temps de serrer les rangs et, si la "fiction francophone" - ou encore la "fiction belge" - peut servir à cette fin alors, employons-la et, même, défendons-la. En tous les cas, je désapprouve les propos qui reviennent à, maintenant, affaiblir le front des francophones. C'est une question de moment. Il sera toujours temps après la bataille de donner libre cours à nos antagonismes congénitaux pour nous disputer (mais à propos de quoi ?) entre Wallons et Bruxellois. Je me range donc du côté de ceux qui défendent maintenant cette union, qui explorent les possibilités de rendre la position des Belges francophones plus cohérente, plus forte, plus menaçante pour l’adversaire.

Cordialement.

Michel.

27.10.07 

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