Bonjour Blog,
Il est temps de voir les choses en face. Je suis Bruxellois et donc
conscient depuis quelques décennies que beaucoup de Flamands et la totalité de
leurs élus ne nous aiment pas (cf "Groot-Dilbeek waar Vlamingen thuis zijn",
périphérie, vols de nuit, incinérateur de Drogenbos, BHV, tronçon rhodien du
ring, liaison Lille-Bruxelles, Zaventem, ...). Je savais déjà que certains
Wallons ne nous aiment pas beaucoup non plus. Mais, voici qu’un court
écrit envoyé au journal « Le Soir » me laisse penser qu'en plus, nous pourrions
être antagonistes dans un futur rapproché, peut-être dès maintenant.
Te souviens-tu, cher Blog, de la "défédéralisation-régionalisation" de la
coopération au développement ? C'était en 1999-2000. Il y avait notamment eu
au Botanique une brève rencontre entre quelques invités et Van Cau. Celui-ci
vendait la "régionalisation" de la coopération, renvoyant les Bruxellois au
Diable (ils pouvaient toujours s’intéresser à l’enseignement. La conséquence de
cette lumineuse approche est que, sur ce dossier, les francophones sont partis
en ordre dispersé. En face : les Belgicains et les Flamands. Quel est le
résultat !? Nous avons été inexistants et les Belgicains se sont fait avoir par
les Flamands. Le score !? Le patron de la CTB est Flamand, le patron de la
DGCD est Flamand, l'une et l'autre institution sont toujours plus flamandes, il
n'y a quasiment plus rien à "régionaliser" du point de vue de la Flandre.
D’ailleurs, c’est bien la seule matière à ne plus faire partie du catalogue de
revendications des Flamands et l’une des seules à avoir d’ores et déjà fait
l’objet d’un accord entre négociateurs de l’Orange bleue fédérale. Magnifique,
non !?
Il se pourrait bien que dans le scénario des patriotes et/ou régionalistes
wallons, une aimable coexistence des Flamands et des Wallons, chacun de leur
côté, soit aussi souhaitable que possible. J'imagine que, dans ce scénario, les
Bruxellois (ceux de la région comme ceux qui ont été arbitrairement intégrés
ailleurs) seraient laissés en tête-à-tête avec les voisins du Nord tandis
que les "Rédimés" pourraient toujours se débrouiller. Dans ce scénario, les
Flamands ne sont évidemment plus des antagonistes mais des voisins avec lesquels
il est tout à fait possible de discuter, de s'entendre. L'important, il est
vrai, est que l'intérêt général wallon ne soit pas mis en cause, voire même
qu'il soit garanti.
Il est vrai qu'il y a déjà eu de nombreuses discussions fructueuses entre
la Wallonie et la Flandre. A chaque arrangement entre gentlemen wallons et
flamands, ce sont les Bruxellois et les Fouronnais qui ont trinqué, et eux
seuls.
Tu comprends aussi dès lors que, pour les Bruxellois (et sans doute aussi
pour les Fouronnais), la Flandre est d'ores et déjà antagoniste, que cette
vérité doit également apparaître et que l'une de ses conséquences logiques est
qu'il faut s'unir pour faire face, du moins du point de vue des
Bruxellois.
Dans cette confrontation, nous traînons déjà le poids mort des Belgicains,
toujours prêts à n'importe quelles compromissions pourvu qu'ils
continuent à faire "pompompom pompom" le 21 juillet, à s'émouvoir des exploits
de quelque athlète ostendaise, de quelque chanteur carolo, ... Dans cette
confrontation, nous découvrons maintenant le patriotisme et/ou le régionalisme
wallon, celui-là même qui nie l'union des francophones, qui affirme que la
Flandre n'est rien de plus qu'une voisine de la Wallonie, qu'il est donc (encore
et toujours) possible de s'entendre avec elle pourvu que la Wallonie n'y perde
rien, voire y gagne quelque chose. Du reste, dans un avenir rapproché, les
Bruxellois et les Wallons seraient antagonistes et, dès lors, on ne voit pas
très bien pourquoi les seconds devraient maintenant montrer vis-à-vis des
premiers une quelconque considération, sans même évoquer une quelconque
solidarité.
Je pense, cher Blog, que, maintenant, cette attitude revient finalement à
constituer les patriotes et/ou régionalistes wallons en alliés objectifs des
Belgicains, c'est-à-dire en interlocuteurs bienveillants de la Flandre, déjà
prêts à toutes les concessions, à toutes les compromissions. Les premiers
agiraient pour le "bien" de la Wallonie, les seconds pour conserver
la Belgique.
Cette attitude revient en fait à refuser de voir en face l'évidence du
moment : la Flandre d’aujourd’hui est une entité antagoniste, méprisante et
menaçante, pas un interlocuteur digne de foi. Le fait que tous les Flamands ne
sont pas affiliés au Belang ou des fans inconditionnels de De Decker ne change
rien. Ils sont quasiment tous convaincus que les Bruxellois de la périphérie
n’ont aucun droit à revendiquer, qu’ils doivent être assimilés, y compris de
force. Beaucoup d’entre eux sont en outre convaincus de la dépravation et de la
fainéantise des Wallons, de leur supériorité sur ces derniers et sur les
Bruxellois. Tous laissent faire les élus flamands et les encouragent de leurs
scrutins. C’est peut-être regrettable mais, nous devons, maintenant, traiter la
Flandre comme ce qu'elle : un adversaire. Il faut donc lutter, sans états
d'âme, en serrant les rangs quand cela va vraiment mal. Et, cela va
mal.
Si, comme dans l'affaire de la coopération, nous nous présentons en ordre
dispersé tout en étant flangardés par des Belgicains déjà prêts à demander
merci, je n'aurais aucun mal à dessiner le futur de la Belgique : trois (ou
quatre) régions "coexistent", les Bruxellois des communes à facilités perdent
leurs droits, les Flamands ont obtenus davantage de responsabilités dans la
région bruxelloise et dans ce qui subsiste de l'Etat fédéral, la solidarité
entre régions est sensiblement diminuée. C'est le traditionnel prix à payer
pour maintenir la Belgique et pour préserver l'intérêt wallon à court
terme.
Bien entendu, un tel avenir ne permet pas non plus d'améliorer le sort des
chômeurs wallons et bruxellois, la Flandre ayant acquis encore davantage de
leviers de décision. C'est d'ailleurs ce qui devrait lui permettre de
s'enrichir davantage.
C'est tragique, non !? C'est exactement ce qui s'est passé pour la
coopération. Elle est supposée être belge et fédérale mais, en fait, elle est à
la Flandre et les grosses ONG flamandes ou "nationales" continuent à prospérer
tandis que les petites ONG wallonnes continuent à ramer. La plupart des emplois
à proposer le sont à des Flamands. Les Bruxellois s'en sortent vaille que
vaille. Les Wallons disparaissent progressivement des centres de décision. Ils
deviennent aussi rares parmi les responsables de la coopération qu’ils le sont
parmi les diplomates « belges » ou les agents de police à Bruxelles.
Si j'ai fait le parallèle entre ce qui s'est passé à la coopération et la
situation actuelle des négociations, c'est pour démontrer que l'attitude logique
d'un régionaliste wallon conséquent est, maintenant, de vouloir l'unité
francophone autour d'objectifs communs à atteindre en dépit de l'opposition des
Flamands et malgré les reculades des Belgicains. Faute de cette unité, les
Bruxellois seront perdants à court terme parce que, une nouvelle fois, ils
seront les victimes du compromis. Faute de cette unité, les Wallons perdront à
long terme, essentiellement parce qu'ils resteront tributaires d'un Etat fédéral
toujours plus flamandisé et, partant, toujours plus méprisant à leur égard. Les
Belgicains seront toujours perdants. Si cette étape n'est pas la dernière à
franchir avant l'indépendance de la Flandre, elle n'en restera pas moins l'une
des dernières.
Si des intellectuels wallons restent régionalistes et n'évoluent pas vers
l'indépendantisme à l'instar de leurs confrères flamands, c'est qu'ils estiment
qu'un avenir de la Belgique est possible. Pourtant, l'avenir des Wallons dans
une Belgique continuant à évoluer comme elle l'a fait ces dernières années est
loin d'être rose. Celui des Bruxellois ne l'est pas beaucoup plus.
Il devrait donc être possible de définir une plateforme commune des Belges
francophones (je pense ici aux habitants de nos régions et non aux maniaques de
la Belgitude). J'imagine qu'au minimum, leur trait commun est de vouloir un
Etat davantage respectueux de leurs droits, davantage soucieux du développement
économique et social de Bruxelles et de la Wallonie, que ne l'est la Belgique
d'aujourd'hui. Puisque le socle commun existe, il devrait être maintenant
possible de passer au texte.
En tous les cas, sauf si les régionalistes wallons sont en fait des
indépendantistes honteux et/ou frustrés qui, intérieurement, secrétement, se
moquent des Bruxellois comme des poissons d'un verger, il est plus que temps de
définir ce socle commun et le programme d'actions à mener pour réaliser ces
objectifs. Cela devrait au moins éviter que, maintenant, face à l'adversaire,
nous présentions un front désuni, propice à ses initiatives et favorisant les
réflexes de renoncement des Belgicains.
Bref, il est plus que temps de serrer les rangs et, si la "fiction
francophone" - ou encore la "fiction belge" - peut servir à cette fin alors,
employons-la et, même, défendons-la. En tous les cas, je désapprouve les propos
qui reviennent à, maintenant, affaiblir le front des francophones. C'est une
question de moment. Il sera toujours temps après la bataille de donner libre
cours à nos antagonismes congénitaux pour nous disputer (mais à propos de quoi
?) entre Wallons et Bruxellois. Je me range donc du côté de ceux qui défendent
maintenant cette union, qui explorent les possibilités de rendre la position des
Belges francophones plus cohérente, plus forte, plus menaçante pour
l’adversaire.
Cordialement.
Michel.
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DEBAT INSTITUTIONNEL EN WALLONIE ET A BRUXELLES +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
samedi 8 décembre 2012
MICHEL NOUS (RE)ECRIT !
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