mardi 11 décembre 2012

ET SI LA FLANDRE NOUS LACHAIT ? Cinq scénarios du Vif/L'Express


 Dossier dans « Le Vif/L’Express » du vendredi 16 novembre 2007

Scénario 1 – La Belgique rétrécie

Le scénario : le pays est amputé des 5 provinces flamandes, mais il conserve son nom, la monarchie, le drapeau noir-jaune-rouge, les trois langues officielles et Bruxelles comme capitale.

Les + : selon Delpérée, cette formule serait « la plus rationnelle, la plus cohérente ». Elle permettrait, en tout cas, de préserver l’attachement sentimental que la population voue à la Belgique. Conserver l’appellation « Belgique » constituerait, par ailleurs, un atout indéniable sur le plan économique et diplomatique.

Les - : une image ringarde, abîmée par des années de guéguerres belgo-belges. Et si l’actuelle frontière linguistique devenait frontière d’Etat, Bruxelles serait coupée de la Wallonie. (&hellip

Probabilité : plausible. Mais un sérieux écueil : les Flamands refuseront sans doute de négocier avec un voisin qui s’appelle encore Belgique. Ils contesteront aux francophones le droit de garder le label noir-jaune-rouge, relativement porteur à l’étranger.

Scénario 2 – Un nouvel Etat francophone

Le scénario : la Wallonie et Bruxelles s’associent au sein d’un nouvel Etat francophone, sous une forme unitaire, fédérale ou confédérale.

Les + : « C’est sans doute le meilleur arrangement, estime André-Paul Frognier. En créant un nouvel Etat, on pourrait en profiter pour moderniser les institutions, ce qui serait bien utile pour aider au redéploiement de la Wallonie.

Les - : un obstacle est évoqué par tous nos interlocuteurs : quel nom, diable, donner à ce nouvel Etat ? (&hellip La création de nouvel Etat francophone risquerait par ailleurs de porter préjudice à Bruxelles : excentrée et beaucoup plus cosmopolite que la Wallonie, la ville pourrait perdre à terme son statut de capitale au profit de Namur. (&hellip Autre inconvénient : les tiraillements entre Bruxelles et la Wallonie seraient nombreux, du fait de la différence sociologique. Bref, cette formule risque de se révéler plus instable encore que l’actuel fédéralisme à la belge.

Probabilité : envisageable.

Scénario 3 – Dans les bras de l’étranger

Le scénario : la Wallonie lie son destin à la France, la communauté germanophone à celui de l’Allemagne ou à celui du grand-duché de Luxembourg. Bruxelles devient un district directement géré par l’Union européenne.

Les + : la Wallonie entre dans le giron d’une grande puissance qui lui est culturellement très proche et dont elle parle la langue. Economiquement, le choc de l’intégration ne serait pas trop douloureux à encaisser : le capitalisme français est en terrain déjà largement conquis dans le sud du pays. « Les multinationales françaises ont déjà annexé tout ce qui est annexable », souligne François Perin. Bruxelles, en trouvant refuse auprès de l’Union européenne, pourrait espérer se voir accorder un régime fiscal attrayant. Les germanophones trouvent leur bonheur dans une Allemagne économiquement forte ou un grand-duché financièrement prospère. « L’Allemagne, nous en avons déjà fait partie, rappelle Karl-Heinz Lambertz. Alors, pourquoi pas à nouveau ? »

Les - : les Wallons perdraient une partie de leur âme, en même temps que leur autonomie, en se fondant ainsi dans la République française. « Le paradoxe serait cruel : s’être battu pour son autonomie au sein de la Belgique, pour aller perdre son pouvoir législatif au sein d’un Etat unitaire », relève Hugues Dumont. Quant à Bruxelles, vouée à devenir « Brussels DC », elle ne compterait plus que des citoyens-électeurs de seconde zone. « Anesthésiés politiquement », lance Francis Delpérée. (&hellip Les germanophones, intégrés à l’Allemagne, n’y gagneraient sans doute pas le droit de constituer un land à part entière, et y perdraient donc leur autonomie actuelle.

Probabilité : faible pour ce qui est d’une Wallonie française. Quasi nulle pour un Bruxelles, district européen, d’autant que l’Union européenne n’est pas près d’accepter une telle formule.

Scénario 4 – Chacun chez soi

Le scénario : la Wallonie proclame la république et vole de ses propres ailes. Bruxelles s’érige en ville-Etat. Les germanophones vivent leur vie en toute indépendance.

Les + : une Wallonie indépendante pourrait y puiser un motif de fierté. Philippe Destatte estime que ce scénario ménagerait la voie d’une association ultérieure avec la France, association que la Wallonie, grâce à une légitimité recréée par son redressement économique, pourrait alors négocier en position plus honorable. Le statut de ville-Etat conféré à Bruxelles ferait miroiter à ses habitants un jackpot fiscal, alimenté par les sociétés implantées sur son territoire et par les navetteurs qui paieraient leurs impôts sur leur lieu de travail. La Communauté germanophone, quant à elle, n’exclurait pas de se transformer en un petit Liechtenstein.

Les - : une république wallonne relèverait d’ « un nationalisme wallon complètement dépassé dans une ère postnationale. Se séparer de ce levier économique fondamental qu’est Bruxelles serait suicidaire », tranche André-Paul Frognier. Francis Delpérée n’est pas plus séduit par la formule, « réalisable mais idiote. Découper ainsi des réalités économiques si imbriquées serait un exercice inutile. Bruxelles, ville-Etat ? Un rempli bruxellois insensé ». « Il n’existe pas de désir de nation wallonne », complète Philippe Destatte.

Probabilité : faible, mais pas totalement exclue.

Scénario 5 – Une fédération du centre de l’Europe

Le scénario : création d’une « fédération du centre de l’Europe », regroupant Bruxelles, la Wallonie et le grand-duché de Luxembourg. Des accords de coopération sont échafaudés avec l’Alasace-Lorraine, sans contester pour autant les limites de l’Etat français.

Les + : depuis quelques années, les axes de développement économique ont changé. L’axe Liège-Charleroi s’est estompé au profit d’un axe Bruxelles-Namur-Luxembourg. Faire coïncider les institutions politiques avec ce nouvel axe ne serait donc pas dénué de sens. « De plus, remarque André-Paul Frognier, ce scénario aurait le mérite de regrouper dans un même ensemble les deux capitales de l’Europe. Voire les trois, en cas d’association avec l’Alsace-Lorraine, et donc avec Strasbourg. »

Les - : on aurait tendance à l’oublier, mais les Luxembourgeois parlent le… luxembourgeois. La formule impliquerait donc un nouveau clivage linguistique. « Ce scénario serait grotesque, mais surtout peu respectueux de l’identité de nos voisins, s’énerve Francis Delpérée. Car ce sont les quatre millions de Wallons qui annexeraient 350.000 Luxembourgeois. On s’inviterait et on s’installerait chez eux. Un non-sens ! »

Probabilité : la formule s’apparenterait effectivement à une annexion du Grand-Duché par la wallonie. Ce seul paramètre suffit à réduire à zéro ses chances de réalisation. « Pour les Luxembourgeois, ajoute François Perin, cette Wallonie serait une moins-value : trop pauvre, elle viendrait troubler leur sacro-sainte tranquillité. »
20.11.07
 

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