L’hebdomadaire « Knack » du 7-13 mai 2008 présentait une intéressante interview de Kris Peeters, le ministre-président flamand.
Morceaux choisis (...)
Si les négociateurs s’occupent exclusivement de la scission de l’arrondissement, les francophones viendront assurément avec leurs exigences concernant un corridor entre la Wallonie et Bruxelles, l’introduction d’une circonscription fédérale et la nomination des bourgmestres francophones à Kraainem, Wezembeek-Oppem et Linkebeek. On aura à nouveau des discussions particulièrement explosives et certainement peu constructives.
Q. La nomination des ces trois bourgmestres est, pour plusieurs partis francophones, une condition pour le second volet de la réforme de l’Etat.
Pensent-ils vraiment que nous allons subitement nous raviser ? La décision de ne pas nommer ces bourgmestres n’a pas été prise à la légère, hein. Le gouverneur du Brabant flamand a d’abord constitué un dossier détaillé concernant l’affaire. Sur base de celui-ci, le ministre flamand de l’Intérieu, Marino Keulen (Open VLD), a décidé que les bourgmestres ne pouvaient pas être nommés. Changer tout à coup notre fusil d’épaule alors qu’il n’y a pas de faits nouveaux, ne témoignerait pas d’une bonne gouvernance.
Quid si le second paquet de la réforme de l’Etat, qui doit être prêt pour le 15 juillet, s’avère être une mesure pour rien ?
Alors nous aurons un sérieux problème. Dans ce deuxième paquet, il faut des avancées pour la régionalisation notamment du marché de l’emploi, de la santé, de la fiscalité et de la politique familiale. Sinon, les conséquences seront imprévisibles. Pour commencer, le gouvernement flamand n’apportera aucune contribution pour réaliser l’équilibre du gouvernement fédéral.
Où placez-vous la barre pour ce second paquet ?
C’est toute la question. En ce qui me concerne, je me base sur les résolutions flamandes, qui ont été approuvées en 1999 par le Parlement flamand, et sur notre accord gouvernemental flamand. Tout cela constitue un bon critère. Disons qu’il faudra que cela soit assez consistant.
Depuis votre entrée en fonction, vous prêchez la « révolution copernicienne », le déplacement du centre de gravité de la politique du niveau fédéral vers les régions. C’est toujours votre souhait ?
Je suis convaincu que cette révolution est en train de s’accomplir d’elle-même. Prenez le débat concernant la TVA sur les nouveaux terrains à bâtir. Parce que le gouvernement fédéral voulait prélever 21% de TVA sur ces terrains, les droits d’enregistrement flamands devaient disparaître. Il est assez logique que nous ayons exigé une concertation et des amendements à cet égard. Finalement, cette mesure a été retirée de la loi-programme et le comité de concertation des diverses entités a demandé l’avis de la Commission européenne. Et ce n’est qu’un début : à l’avenir, il apparaîtra de plus en plus que le gouvernement fédéral ne peut pas prendre de telles décisions sans se concerter d’abord avec nous. (...) Cette querelle sur la TVA a ouvert beaucoup d’yeux. Certainement dans la partie francophone du pays. Mais il est clair qu’on n’opère pas un tel changement de mentalité du jour au lendemain. Copernic a dû attendre 14 ans avant que sa théorie n’entre dans les esprits. Et il a encore dû apporter l’une ou l’autre précision pour ne pas connaître le bûcher. Heureusement, un ministre-président flamand ne court plus ce risque en 2008. Encore que – c’est que j’ai déjà appris – il peut être rapidement grillé… (...) Je pars du principe que ce pays doit être gouverné de manière plus efficace. Le système actuel est un gouffre. Il coûte aussi beaucoup de temps aux citoyens et aux entreprises. En matière de soins de santé, par exemple, certains dossiers doivent recevoir la signature de neuf ministres. (...)
Charles Picqué (PS) et Rudy Demotte (PS) ont lancé récemment l’idée d’une fédération Wallonie-Bruxelles. Vous avez trouvé cela bizarre.
A peine avais-je félicité Rudy Demotte parce qu’il dirigeait à la fois la Région wallonne et la Communauté française, que je lisais dans le journal ces plans curieux pour une Fédération Wallonie-Bruxelles. Mes collègues veulent manifestement le meilleur des deux mondes, ce qui, selon moi, est impossible. Dans leur optique, Bruxelles devrait rester une région autonome, mais que nous devrions continuer à financer. D’un autre côté, Bruxelles doit aller avec la Wallonie. J’ai bien lu quelque part que Charles Picqué voulait aussi former une telle fédération avec la Flandre, mais alors il ne resterait plus rien d’un Bruxelles indépendant. A moins, bien sûr, que ma capacité intellectuelle ne soit un peu trop limitée pour saisir la logique d’une telle construction. Personnellement, je crois plus en une Région bruxelloise forte, aux compétences larges. Pour les questions communautaires bruxelloises, il faut bien collaborer avec les deux Communautés, mais sans lien privilégié avec le Nord ou le Sud.
Pensez-vous qu’avec la mise sur pied d’une fédération Wallonie-Bruxelles, le PS veuille anticiper la scission éventuelle de la Flandre ?
J’ai déjà entendu ça. C’est tout de même étonnant que ce soient précisément ceux qui sont pour le maintien de la Belgique qui fournissent des munitions supplémentaires aux séparatistes ! C’est comme si les Wallons et les Bruxellois partaient déjà du principe que la Flandre sera finalement indépendante. Un autre exemplaire similaire est ce corridor entre la Wallonie et Bruxelles : certains francophones sont visiblement convaincus que leur capitale se trouvera bientôt au milieu de la Flandre indépendante et ils imaginent donc toutes manières de pouvoir encore entrer dans et sortir de la ville. (...)
Les partisans cette fédération prétendent qu’elle permettra de gérer Bruxelles de manière plus efficace. Vous ne pouvez tout de même pas être contre cela ?
C’est facile à dire, hein. Bien sûr que la Flandre souhaite que Bruxelles soit mieux géré. (...) Mais je ne vois toujours pas clairement comment cela va se faire concrètement.
Le problème n’est-il pas le nombre de propositions et d’exigences communautaires ?
Sur ce plan, mon cabinet a beaucoup travaillé ces derniers mois. Dans les résolutions flamandes, il y a des choses fortes, mais elles ne sont pas toutes faciles à mettre en pratique. C’est pourquoi, j’ai invité tous les experts possibles à examiner - abstraction faite du discours politique - comment le marché du travail, la santé et la fiscalité pouvaient être concrètement régionalisés. Nous avons déjà éclairci ainsi toute une série de problèmes techniques. La difficulté pour moi n’est pas seulement de pouvoir expliquer comment les Flamands s’en trouveront mieux, mais aussi ce que les Bruxellois et les Wallons pourront en retirer.
N’est-ce pas en fait la tâche du Premier ministre ?
Vous avez peut-être raison. Mais étant donné que la réforme de l’Etat est tellement importante pour la Flandre, j’ai pris moi-même cette initiative. Je trouve que nous devons tout faire, en tant que Flamands, pour expliquer aussi aux Wallons et aux Bruxellois comment nous voulons utiliser la réforme de l’Etat comme levier de développement.
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