« Carte blanche » de Henri
Goldman, membre d’Aula Magna (1), dans « Le Soir » du jeudi 9 octobre
2008
Dans la
panoplie des revendications francophones, l’extension des limites de Bruxelles
afin d’englober, au minimum, les six communes à facilités, occupe depuis
longtemps une place de choix. On peut estimer qu’il s’agit là d’une stupidité
sans se rallier pour autant aux thèses flamandes. Ce qui motive une telle
opinion, c’est une certaine conception de la
ville.
Car Bruxelles est, avant tout, une ville.
C’est-à-dire un espace caractérisé par la continuité du bâti, abritant une
population dense sur une surface limitée. La ville se caractérise par la richesse
de ses réseaux sociaux, par la prépondérance de l’espace public (les rues et les
places) sur l’espace privé (les jardins individuels), par la mixité de ses
activités (travailler, étudier, habiter, se divertir).
Le « vivre ensemble » en ville est direct. La rencontre n’est pas virtuelle, et l’on n’est pas dépendant de la télévision ou des mirages d’internet pour alimenter son imaginaire. En ce sens, de Henri Lefebvre à René Schoonbrodt, de nombreux penseurs ont pu affirmer que la ville est à la fois le berceau et la condition de la démocratie. Mais Bruxelles, c’est aussi une ville de migrants. 48 % de ses habitants sont soit étrangers, soit nés étrangers, et ce chiffre est en hausse constante.
Si le Bruxelles
d’avant-hier, celui des Brusseleirs, n’existe plus qu’à l’état de résidu
folklorique, celui d’hier, le Bruxelles ultrafrancophone de l’âge d’or du FDF,
existe toujours… mais il n’est plus bruxellois. En déménageant de Bruxelles-Ville à
Woluwe-Saint-Lambert, Olivier Maingain a, somme toute, suivi son électorat. Ce
Bruxelles-là a tourné le dos à la centralité urbaine. Il s’est réfugié en
bordure des frontières régionales où il a contribué à transformer quelques
arpents de terre agricole en banlieues résidentielles extensives. La plus grande
partie de ce peuplement d’ex-Bruxellois a changé le visage du Brabant wallon.
Une fraction s’est retrouvée en terre administrativement flamande, notamment
dans ces six communes qui font depuis lors couler tant
d’encre.Ces nouveaux habitants francophones de
Flandre font valoir leurs droits culturels bafoués. Selon moi, à juste titre :
l’existence de minorités ethnoculturelles le long des frontières est un
phénomène très répandu dans le monde et, à titre personnel, je n’ai aucune
sympathie pour l’obsession de l’homogénéité linguistique qui s’est emparée de la
Flandre. Il n’empêche que ces francophones ne sont pas, ne sont plus des
Bruxellois. Le mode de vie « rurbain » qu’ils ont choisi est la négation de la
ville compacte. Sans compter que, devenus totalement
dépendants de la voiture individuelle pour leurs déplacements les plus anodins
(acheter un pain, conduire un enfant à l’école,...) ils contribuent à
l’engorgement d’une ville dont ils se sont dissociés, mais qu’ils continuent à
consommer comme touristes ou comme navetteurs.
Ceux-là sont partis. Bruxelles était sans doute trop pauvre ou trop sale pour eux. Qu’ils assument ce choix. D’autres les ont remplacés et ont redonné à la ville le dynamisme démographique qu’elle avait perdu.
Si la langue française
est restée dominante à Bruxelles, c’est désormais en tant que lingua
franca, langue commune de contact entre les multiples groupes humains qui
se partagent une métropole cosmopolite et où l’on parle souvent une autre langue
à la maison. La jeunesse bruxelloise d’aujourd’hui se fiche bien de cette
identité francophone que d’aucuns voudraient lui faire
endosser.Bruxelles est une ville. Ses habitants
sont des urbains. Ses limites politiques ne doivent pas trop déborder de ses
limites morphologiques et, de ce point de vue, le cadre territorial de ses 19
communes est tout à fait satisfaisant. Quant à l’organisation de son
hinterland, elle ne se réglera pas en déplaçant des poteaux frontières
de quelques kilomètres.
Autour de Bruxelles, les aires linguistiques ne correspondent pas aux aires économiques ou aux bassins d’emplois. Il y a sûrement un effort à faire pour aborder la gestion de ces espaces emboîtés dans un esprit de bonne administration entre Régions adultes et bien disposées. Mais la discussion gagnerait à déposer au vestiaire cette quincaillerie annexionniste qui ne sert personne – et pas non plus les francophones de la périphérie, qui à mon avis ne tiennent pas absolument à redevenir bruxellois, notamment pour des raisons fiscales. On pourra ainsi se concentrer sur l’essentiel : le droit du million de Bruxellois de s’autogérer sans tutelle extérieure et sans devoir s’enrôler en ordre dispersé dans ce ridicule « dialogue de communauté à communauté » qui les nie en tant que collectivité. Si cette évidence démocratique n’était pas reconnue, les barricades de Mai 2009 risquent bien d’être bruxelloises. (1) L’auteur s’exprime à titre personnel. Aula Magna est une association à but non lucratif dédiée à une approche de réflexion innovatrice et transversale quant à l’avenir de Bruxelles |
DEBAT INSTITUTIONNEL EN WALLONIE ET A BRUXELLES +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++
samedi 15 décembre 2012
"L'EXTENSION DES LIMITES DE BXSEL EST UNE STUPIDITE" (H.Goldman)
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