jeudi 13 décembre 2012

PLAIDOYER BIREGIONAL DEMOTTE-PICQUE


« Pour une fédération Wallonie-Bruxelles, un plaidoyer birégional » - Dans « le Soir » du 17 avril 2008

Bien que leur concrétisation soit postérieure à celle des Communautés dans l’instauration du fédéralisme belge, les Régions traduisent la conception wallonne et bruxelloise du fédéralisme et sont aujourd’hui des acteurs incontournables de notre paysage institutionnel.

Les politiques que les Régions mènent, notamment dans les matières liées au développement économique et social, sont précisément calibrées pour être adaptées aux réalités socio-économiques de leur territoire et aux besoins de leur population.

Ce constat de départ n’enlève rien à la nécessité de développer des synergies entre les Régions ni à celle d’assurer un lien de solidarité efficace entre la Wallonie et Bruxelles notamment au travers d’un niveau de pouvoir commun à nos deux Régions.

Aujourd’hui, les Wallons et les Bruxellois francophones se trouvent face à des enjeux déterminants pour leur avenir. Plus que jamais, ils ont tout à gagner à travailler ensemble. Nos gouvernements doivent renforcer les collaborations afin de rendre nos stratégies plus efficaces, de favoriser le redressement économique de la Wallonie et de Bruxelles et de trouver des solutions à nos défis sociaux.

C’est une question d’efficacité et de bon sens que les citoyens appellent de leurs vœux. Même s’ils sont souvent perdus face à l’architecture institutionnelle complexe de notre pays, ils attendent des ministres wallons et bruxellois qu’ils travaillent ensemble à l’amélioration de leur vie quotidienne et à la défense de leurs droits.
Par cet appel commun, nous souhaitons nourrir le débat à travers plusieurs propositions.

Les institutions sont par principe au service de la population par les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre. Aucun dogmatisme, aucun préjugé institutionnel ne doit nous écarter de l’objectif premier : comment les institutions peuvent-elles servir au mieux les attentes légitimes des citoyens ? Elles sont l’outil par excellence dont se dotent des citoyens afin d’œuvrer, individuellement et collectivement, à leur épanouissement social. La forme même de ces institutions en détermine le caractère démocratique et l’efficacité.

Aujourd’hui, au motif parfois sincère de simplification administrative, certains prônent un modèle de fusion où une entité francophone homogène ferait face à la Communauté flamande.

C’est nier l’importance des Régions qui se sont imposées comme la réalité de référence pour les Wallons et les Bruxellois et qui ont développé une stratégie de redéploiement durable pour chacune des deux entités.

Pour Bruxelles, les partisans d’une recomposition sur la base des deux Communautés justifient cette option en arguant du risque permanent de paralysie des institutions bruxelloises par certaines formations flamandes. Accepter cette thèse reviendrait à se résigner au malheureux constat – que nous ne partageons pas – qu’il est impossible de faire coexister harmonieusement deux communautés à Bruxelles, ce qui revient à renoncer purement et simplement à l’existence même d’une Région bruxelloise.

En outre, cette défense, du côté francophone, d’une recomposition institutionnelle fondée sur deux communautés linguistiques est étonnante car elle se range, pour l’essentiel, derrière l’une des résolutions offensives votées par le Parlement flamand en 1999 ; une résolution qui distinguait deux « États fédérés » – la Flandre et l’État fédéré francophone – et un territoire subalterne à statut spécifique – la Région de Bruxelles-capitale – doté de compétences limitées et sur lequel les deux États fédérés auraient, pour un nombre important de matières, un droit de regard, d’intervention voire de cogestion.

L’organisation d’un tel face à face institutionnel entre entités francophone et flamande n’est, selon nous, pas souhaitable, pas plus qu’il ne serait générateur d’efficacité.

En faisant cogérer Bruxelles par les deux autres entités, ce système priverait les Bruxellois de droits démocratiques fondamentaux et d’une gestion cohérente de leur Région.

Solidaires des Bruxellois lors de la création de la Région-capitale, les Wallons sont, au contraire, preneurs d’une relation d’égal à égal.

N’oublions pas que la Région bruxelloise n’est pas exclusivement francophone – c’est d’ailleurs l’un de ses atouts – et que la Région wallonne ne l’est pas davantage, puisqu’elle compte, aussi, des citoyens de langue allemande.

En outre, une identité régionale forte existe et s’est sensiblement affirmée, dans la sérénité et l’ouverture, tant à Bruxelles qu’en Wallonie. Le fait régional y est devenu incontournable et s’y affirme de manière décomplexée comme l’antithèse du repli.

Partant de ce constat, voici les lignes de force d’un modèle birégional que nous proposons ensemble et soumettons au débat de la Commission Wallonie-Bruxelles.

L’affirmation de deux Régions solidaires, égales en statut, guide nos propositions.

Ce principe implique que la Région bruxelloise se voie reconnaître le même degré d’autonomie constitutive que les autres entités.

L’égalité passe surtout par le refinancement structurel de la Région bruxelloise. C’est une nécessité mais, plus encore, un droit. Bruxelles, qui est un moteur de développement économique pour les trois Régions, supporte des charges qui bénéficient à l’ensemble du pays. Un juste financement est une condition pour assurer aux Bruxellois les mêmes capacités de développement que celles des autres citoyens du pays.

Enfin, nous pensons que la répartition de certaines compétences sur le territoire bruxellois doit être simplifiée tant par souci d’efficacité que de lisibilité pour les citoyens et les acteurs des secteurs concernés.

Plus globalement, la réflexion sur l’optimalisation des institutions communes aux Wallons et aux Bruxellois doit conduire à une meilleure prise en compte des réalités et des besoins régionaux – tant wallons que bruxellois – dans l’exercice des compétences communautaires.

Et quel lien entre la Wallonie et Bruxelles proposons-nous ?

Justement, celui d’une fédération, véritable trait d’union permanent entre les deux composantes.

Nous sommes, en effet, autant attachés à l’autonomie de nos deux Régions qu’à la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles. Pour consacrer cette solidarité, une instance commune disposant de compétences et d’un budget propres – la Communauté française revisitée – est la formule la plus adéquate. En effet, penser qu’on renforcera la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles en niant l’institution qui à vocation à les rassembler est un leurre.

Sur la base de deux Régions autonomes et également compétentes, régies par le suffrage universel direct, son rôle, ses organes et son fonctionnement seront naturellement amenés à évoluer vers une Fédération Wallonie/Bruxelles. Tout en veillant, bien entendu, au respect de l’autonomie des germanophones.

Les organes de cette Fédération devraient traduire cette nouvelle réalité. Certains traits en ont déjà été amorcés sous cette législature à travers la tenue de réunions conjointes des gouvernements et la désignation de ministres chargés de compétences tant de nature régionale que communautaire et l’attribution de la présidence communautaire à un ministre-président régional.

Le gouvernement de la Fédération serait composé de ministres wallons et de ministres bruxellois francophones.

Un tel exécutif resserré permettrait également de diminuer sensiblement le nombre total de ministres, contribuant dès lors à un exercice du pouvoir simplifié et plus efficace.

Dans le cadre de ce modèle, il conviendra aussi de réfléchir au mode d’organisation et de fonctionnement du Parlement de la Fédération, afin de l’articuler mieux encore avec les deux parlements régionaux.
Cette réforme globale doit aller de pair avec la réflexion qui, au sein de la Commission Wallonie/Bruxelles, doit définir le niveau de pouvoir le plus opportun pour la gestion des compétences fédérées, au bénéfice des citoyens.

Nous désirons fermement que les débats communautaires à venir aboutissent à une nouvelle architecture institutionnelle pour notre pays, en adéquation avec les droits inaliénables et le projet d’émancipation individuelle et collective des Wallons et des Bruxellois.

Seule une Belgique fédérale, construite à partir de trois Régions fortes, établies sur pied d’égalité, permettra d’atteindre un équilibre institutionnel mature et satisfaisant pour tous.

Seules des Régions wallonne et bruxelloise fortes, établies sur pied d’égalité, permettront aux Wallons et aux Bruxellois de se fédérer et d’organiser de manière efficace les synergies et solidarités auxquelles ils aspirent, au service leurs intérêts communs et respectifs.

Une fédération birégionale Wallonie-Bruxelles sera ce trait d’union équitable et efficace dont nous avons besoin.

Fait à Namur et à Bruxelles, le 16 avril 2008

Rudy Demotte Charles Picqué

17.4.08
 

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