jeudi 13 décembre 2012

PRIMAUTE AUX REGIONS


VERONIQUE LAMQUIN ET HUGUES DANZE       17 avril 2008

Les deux ministres-présidents enterrent d'une même voix la Communauté française au profit d'une fédération Wallonie-Bruxelles. Rudy Demotte et Charles Picqué dessinent en exclusivité dans « Le Soir » de ce jeudi l'avenir du pays. En affirmant les liens entre leurs deux Régions.

Belga

Le texte que Le Soir publie ce jeudi en exclusivité fera sans doute date. Il est cosigné par Rudy Demotte et Charles Picqué, tous deux PS, respectivement ministre-président de la Région wallonne et de la Communauté française et ministre-président de la Région bruxelloise.

Chaque mot de ce « plaidoyer birégional » a été pesé. Le texte a été écrit, allongé, toiletté avant d'aboutir à la version définitive.

Que disent Demotte et Picqué ? Que « seule une Belgique fédérale, construite à partir de trois Régions fortes, établies sur pied d'égalité, permettra d'atteindre un équilibre institutionnel mature et satisfaisant pour tous ». Priorité absolue, donc, aux Régions. Un lien entre Wallonie et Bruxelles peut persister, « la Communauté française revisitée », disent les deux ministres. Mais en réalité, Demotte et Picqué sonnent le glas de ce niveau de pouvoir, lui préférant une fédération birégionale Wallonie-Bruxelles. « Birégionale »...

Une bombe institutionnelle. Officiellement destinée – elle sera transmise ce jeudi – à la commission Wallonie-Bruxelles chargée de plancher sur l'avenir de l'espace francophone. Une bombe balancée par deux poids lourds socialistes sous la forme d'un texte rédigé en commun. « Une pièce à casser », précise-t-on dans l'entourage des deux hommes. Qu'importe…

Leur credo ? Ils annoncent, même s'ils emploient des termes plus doux, la mort de la Communauté française : « Son rôle, ses organes et son fonctionnement seront amenés à évoluer vers une Fédération des francophones de Bruxelles et Wallonie. »

Cette fédération, les deux hommes la qualifient de birégionale. Difficile d'être plus clair. L'heure est désormais à un régionalisme pragmatique, décomplexé et ouvert sur le monde : « Une identité régionale forte existe et s'est sensiblement affirmée, dans la sérénité et l'ouverture, tant à Bruxelles qu'en Wallonie. Le fait régional y est devenu incontournable et s'y affirme de manière décomplexée comme l'antithèse du repli. »

Pas encore convaincu ? Alors lisez ceci : « Seule une Belgique fédérale, construite à partir de trois Régions fortes, établies sur pied d'égalité, permettra d'atteindre un équilibre institutionnel mature et satisfaisant pour tous. »

Cette sortie musclée n'est pas sans rappeler une autre qui avait également fait son petit effet dans le Landerneau politique. C'était en mai 2004. À quelques semaines des élections régionales, Charles Picqué (déjà lui) et Jean-Claude Van Cauwenberghe signaient un texte commun. Fort différent sur le fond, même si les deux ministres-présidents parlaient déjà de renforcer les solidarités entre Wallonie et Bruxelles.

Demotte et Picqué vont plus loin que ça : « Seules des Régions wallonne et bruxelloise fortes, établies sur pied d'égalité, permettront aux Wallons et aux Bruxellois de se fédérer et d'organiser de manière efficace les synergies et solidarités auxquelles ils aspirent, au service de leurs intérêts communs et respectifs. »

Pour les deux ministres-présidents, la réponse est claire et nette : c'est en duo qu'ils se voient évoluer. Et ce, quels que soient les contours futurs que prendra la Belgique. Au passage, on notera qu'ils relèguent aux oubliettes l'idée d'« État francophone » (Didier Reynders) ou de « Nation francophone » lancée par Elio Di Rupo en 2004 lors du congrès de participation de Gembloux. Parce que, estiment-ils, inadaptée aux réalités bruxelloises.

Un tournant, un virage… Et surtout, un plaidoyer vibrant pour la Région bruxelloise qui, pour les deux éminences socialistes, doit être dotée des pleins pouvoirs régionaux et refinancée. Plus d'un Bruxellois devrait s'y retrouver : la formule esquissée ici permet à la capitale de maintenir ses liens avec la Wallonie, sans perdre sa capacité de développement comme ville bilingue. Ce que ni l'avenir à deux Communautés ni la fusion entre la Communauté française et la Région wallonne ne permettaient.

En esquissant pareil destin à deux, entre adultes responsables, le Premier wallon et son homologue bruxellois disent tout haut ce que, de plus en plus, on dit tout bas. Au groupe Wallonie-Bruxelles, présidé par Antoinette Spaak et Philippe Busquin, après des hésitations communautaristes, il se murmure que les débats (et conclusions) se font plus régionalistes. Dans les partis, on se tâte. Mais, au PS, visiblement, on a fait sa religion. Le président du PS, en offrant une deuxième casquette à Rudy Demotte, en mars, avait glissé, discrètement, que l'entité francophone « ne collait pas à la réalité bruxelloise ».

La profession de foi, aujourd'hui, est volontariste. Mais n'esquive pas les éléments institutionnels. Pour Demotte et Picqué, la fédération Wallonie-Bruxelles ne doit être qu'un trait d'union entre les deux Régions. Avec un gouvernement qui est la simple addition des ministres régionaux. Comme l'est le Parlement. Le débat s'ouvre. Il a le grand mérite d'exister.

17.4.08
 

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