jeudi 13 décembre 2012

VU DU NORD (De Morgen)


 « Petite Flandre » - Rubrique de Guido Fonteyn dans « De Morgen » du lundi 31 mars 


 Rudy Demotte, ministre-président de la Région wallonne et de la Communauté française (ou est-ce « de la Communauté française et de la Région wallonne », l’ordre n’est pas sans intérêt) fait la navette entre ses gouvernements à Namur et à Bruxelles, avec, dans son sillage, trois de ses ministres : Michel Daerden (vice-Premier, Finances, Budget), Marie-Dominique Simonet (vice-Premier, Recherche, Enseignement supérieur, ...) et Marc Tarabella (Enseignement, Jeunesse, Promotion sociale).
Personne ne sait combien de temps ces navettes vont encore durer, mais entre Strasbourg et Bruxelles, on fait déjà beaucoup moins la navette qu’auparavant, et la situation de Namur « la régionale » est un peu comparable avec celle de Strasbourg, ville du Parlement européen.
Les considérations d’ordre pratique finissent toujours par l’emporter. La Belgique francophone a donc entamé un mouvement vers Bruxelles, et cela a des conséquences jusqu’à Liedekerke.

Les Wallons semblent subir la nouvelle situation de façon assez indifférente. Les régionalistes jadis si acharnés n’ont plus leurs leaders naturels : Van Cauwenberghe a perdu son autorité morale, Robert Collignon écrit des papiers languissants dans le mensuel des rattachistes, et la famille Happart s’est visiblement retirée à nouveau dans les Fourons, où le dernier de la lignée (Gregory) pourra se faire remarquer et se creuser une place au conseil communal, avec des vues sur un mandat plus lucratif. Si le Parti Socialiste a encore besoin d’eux, nous n’excluons surtout pas que, après Bruxelles, la périphérie et la frontière linguistique soient à nouveau dans le viseur de la francophonie. Les régionalistes non mandatés, comme José Fontaine et Jules Gheude, ne parviennent pas à briser l’indifférence de l’opinion. Même venant de Namur, il y eut peu de réaction, mais la ville n’a jamais pu accomplir sa fonction de capitale. On s’accommode de ce secrétaire d’Etat anonyme, qui, à la demande de la RTBF, est allé travailler dans son auto.
Rudy Demotte peut donc se préparer à l’étape suivante : la conquête de Bruxelles. Il a déjà dit comment il allait travailler : des réunions communes de son (double) gouvernement avec les ministres et secrétaires d’Etat francophones de l’exécutif bruxellois. Les membres flamands de celui-ci pourront regarder sur la touche.
Il y a quelque chose à dire à propos de cette stratégie de Di Rupo visant à rapprocher le plus possible la Wallonie et Bruxelles : le nord de la province du Hainaut et toute la province du Brabant wallon font de plus en plus partie de l’espace économique de Bruxelles, appelons cela le nouveau Grand-Bruxelles, en attendant de trouver une meilleure appellation – « ville-région », ce n’est pas l’idéal non plus. En outre, l’axe Bruxelles-Louvain-la-Neuve -Marche-en-Famenne supplante de plus en plus l’axe minéral Sambre et Meuse. La base du rapprochement entre la Wallonie et Bruxelles est donc de nature économique. Ce n’est pas tant ou seulement le vieux Wallobrux culturel ou à coloration linguistique. Je peux m’imaginer que lors de l’un de ces petits comités wallo-bruxellois, le problème des vols de nuit au-dessus de Zaventem ou tout simplement celui de la saturation de l’aéroport soit abordé et que les Wallons déballent leur offre excellente en ce qui concerne les aéroports de réserve : Bierset pour le fret et Charleroi (Brussels-South !) pour les passagers. Avec Chièvres comme ultime réserve. Bierset deviendrait Brussels-East et Chièvres, Brussels-West. Les deux régions pourraient participer à de tels projets, avec éventuellement l’appui européen.
A mon avis, Philippe Van Parijs et le groupe autour du Manifeste bruxellois sont complètement à côté de la plaque lorsqu’ils applaudissent à une fusion entre la Communauté française et la Région wallonne, voyant là la chance de revendiquer une Communauté bruxelloise. La Belgique se composerait alors de quatre Communautés : la flamande, la française, la germanophone et la bruxelloise. C’est une pure construction de papier. Pour Di Rupo-Demotte, il s’agit en premier lieu de créer un Wallobrux économique, au sein duquel on parlera français. Dans leur schéma, la Belgique se composera à l’avenir de la Belgique germanophone - eh bien, je ne me sentirais pas du tout en sécurité à Eupen -, de Wallobrux et de Petite Flandre (Klein-Vlaanderen).

Liederkerke serait, de toute évidence, la capitale de cette Petite Flandre.
Qu’oppose-t-on, en effet, du côté flamand à ce rapprochement entre la Wallonie et Bruxelles ? Un mépris de plus en plus grand et une prétention sans bornes à l’égard de ce qui touche Bruxelles. Les écoles flamandes à Bruxelles ne peuvent pas s’étendre parce que les candidats-élèves ne sont pas de race pure (ni catholiques dans l’enseignement libre) et les plaines de jeux jusqu’à Liederkerke (et d’autres communes) ferment sélectivement pour la même raison. Pire, une commune comme Overijse est encore dirigée comme si elle était une commune rurale de culture du raisin : les francophones et les Européens sont considérés comme des ennemis du caractère populaire (volksaard) et ainsi poussés dans les bras les uns des autres. Si le gouvernement flamand n’intervient pas - ou, au besoin, les Nations unies -, tous les Européens, immigrés, francophones et anglophones, se ligueront bientôt en un front anti-flamand dans toute la périphérie de Bruxelles.

Il est donc grand temps de renoncer à une politique anti basée sur la langue et de revenir à la thèse de base qui se trouve derrière la stratégie Di Rupo-Demotte : avec la plus grande partie de la Wallonie et la plus grande partie de la Flandre, Bruxelles forme un seul et même espace économique. C’est Bruxelles ou Liedekerke.




1.4.08






 

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